P I È C E D É T A C H É E
Corps sublimés Anne Ganivet-Poumellec (ECF/AMP)
Sublime Castellucci? Le vocable accolé à ce nom sonne mal. Romeo Castellucci veut provoquer le scandale, souvent y réussit. Il ne se soutient pas de la sublimation, plutôt il la foudroie[1], la conchie[2] ou la réduit en poussière[3]. Pourtant à la fin de Moïse et Aaron, les spectateurs n’avaient que ce mot à la bouche. Et c’était vrai, ils avaient été sublimés, l’état de leur corps avait changé. Ils étaient devenus gazeux, directement, sans avoir été liquidés. Quel solide a donné lieu à cette expérience inouïe? Schoenberg-Opéra.de.Paris-Castellucci est son nom. Schoenberg: «Ô paroles, paroles qui me manquent». L’appui sur le manque du 3e acte fut décisif, ce silence tragique fit briller «l’étoile polaire» de Romeo. L’Opéra, instrument parfait, donne l’énergie, le travail du chœur durant un an s’entend. Castellucci ainsi attendu put convoquer ses figures: l’animal somptueux et plein, un corps de femme qui appelle la vie, une humanité blessée dont le chant marque le corps. Les voix ancrent les corps et chaque corps s’écrit.
[1] Schwanengesang D744. [2] Sul concetto di volto nel figlio di Dio. [3] Le sacre du printemps. Image: une photo du spectacle Moïse et Aron de Castelluci: http://www.lemonde.fr/musiques/article/2015/10/17/castelluci-prend-la-bastille-par-les-cornes_4791423_1654986.html
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