des Sociétés et Groupes de la NLS
Societies and Groups of the NLS
IXème colloque de la Société Bulgare de
psychanalyse lacanienne et la Nouvelle Ecole Lacanienne (New Lacanian School
NLS)
Le colloque s’est déroulé le 15.05.2015 à la
salle « Culture », dans la ville de Roussé, avec la participation de Dominique
Holvoet, psychanalyste, membre de
l’Ecole de la Cause Freudienne, de la NLS et de l’Association Mondiale de Psychanalyse, directeur
de l’Institut médico-pédagogique « Courtil ». Véronique Robert, psychanalyste, membre de l’Ecole de la cause freudienne et directeur thérapeutique de l’Institut médico–pédagogique « Courtil » a été l’invitée spéciale de ce colloque. Elle a également été invitée à intervenir en tant que responsable du deuxième module de formation du laboratoire du
CIEN « L’enfant
et ses symptômes » durant les deux jours qui ont suivi le colloque.
Le colloque était consacré à la
thématique de l’autisme et au rôle du surmoi, au lien avec les objets et leur
statut chez le sujet qui n’a pas de corps construit. La thématique était
dépliée (développée) sur la base du livre d’ Eric
Laurent « La bataille de l’autisme », qui s’appuie sur les bases
théorétiques données par Lacan comme directions du travail avec des enfants
autistes. La thèse fondamentale de Eric Laurent est que ce qui est spécifique pour l’autisme, c’est un retour de la jouissance « au bord », l’expression signifie également « fin » et « limite ».
Dominique Holvoet a proposé deux
extraits du Séminaire I de Jacques Lacan à commenter. Dans ces extraits il est
question du cas de Robert, nommé « l’enfant-loup », qui ne dit que
deux mots : « madame », pour nommer tous ceux qui ont pris soins
de lui à l’orphelinat et « loup » pour désigner tout le reste qui est
pour lui la loi et représente sa construction du monde. Un enfant d’une
institution, considéré comme autiste, qui court partout en criant « le loup,
le loup !». Les deux extraits ont été commentés respectivement par Vessela
Banova et Bistra Dancheva :
1.
«
Le surmoi est à la fois la loi et sa destruction. En cela, il est la parole
même, le commandement de la loi, pour autant qu’il n’en reste plus que la
racine. La loi se réduit toute entiere à quelque chose qu’on ne peut même pas exprimer, comme le « Tu
dois », qui est une parole, privée de tous ses sens. C’est dans ce
sens que le surmoi finit par s’identifier
à ce qu’il y a seulement de plus ravageant, de plus fascinant, dans les expériences primitives du sujet. Il finit par s’identifier à ce que
j’appelle la figure féroce, aux figures que nous pouvons lier aux traumatismes
primitifs, quels qu’ils soient, que l’enfant a subis. » (p. 119 du Séminaire I « Les écrits techniques de
Freud », Editions du Seuil, 1975).
2.
« [« Le loup! »],c’est essentiellement la parole réduite
à son trognon. Ce n’est ni lui, ni quelqu’un d’autre. Il est évidemment Le loup !
pour autant qu’il dit cette parole-là. Mais Le loup ! c’est n’importe quoi
en tant que ça peut être nommé. Vous voyez là l’état nodal de la parole. Le moi est ici complètement chaotique, la parole arrêtée. Mais c’est à partir de Le loup !,qu’ il pourra prendre sa place et se construire. » (p. 121 du Séminaire I « Les écrits techniques de Freud » Editions du Seuil, 1975).
Dans son commentaire du cas du petit Robert, « l’enfant–loup », Jacques Lacan souligne le caractère de commandement du surmoi. En identifiant le Surmoi dans le signifiant « le loup », que cet enfant n’arrête pas de répéter, Lacan souligne que c’est ce signifiant lui–même qui est impératif : « la loi et en même temps sa destruction ». Lacan l’envisage
comme lié à la question de la structure – le rapport qu’entretient Robert avec
la langue, est réduit à la racine de la langue et c’est l’unique lien que ce
petit enfant peut maintenir avec le monde. Cette racine s’est transformée en
signifiant isolé S1, qui n’est pas connecté à d’autres signifiants et a la
valeur de jouissance surmoïque. Il n’est pas l’effet de la civilisation, il est
son empêchement, ce qui voudrait dire qu’il est le symptôme de cette
civilisation et la nature de la tension, survenue chez le sujet.
Dans le Séminaire I, Jacques Lacan démontre que le surmoi a un lien avec la loi, qu’il identifie avec la langue – les lois de la
langue et du discours que le Grand Autre lui propose. L’enfant rencontre dans le surmoi quelque chose qui est la manière dont il entend,
sans en comprendre le sens. La langue, en tant qu’objet symbolisé commence à fonctionner pour l’enfant à temps, pour
qu’elle soit incorporée. Ainsi la place du surmoi primitif est au niveau du nouage du corps vivant et de la langue.
C’est aussi dans le Séminaire I que Lacan parle du Stade
du miroir, grâce auquel le Moi pourrait se construire. C’est un stade durant
lequel l’enfant rentre dans le monde des objets et commence à reconnaitre son
reflet dans le miroir. Chez l’enfant loup ce stade n’a pas eu lieu et c’est la
raison pour laquelle il se vit lui-même de manière morcelée et tout est réel
pour lui. Lors du 8ème colloque de la Société Bulgare de psychanalyse lacanienne, Bernard Seynave indique que pour qu’un sujet puisse se construire un corps, il doit incorporer la langue – c’est la langue qui construit le
bord, la frontière de ce corps. Ce bord et cette frontière
sont une zone d’échange. Ce qui arrive pour le sujet autiste, c’est qu’il n’a
pas de frontières, n’a pas de corps, n’a pas de limite.
Dominique Holvoet a souligné que l’enfant–loup vit uniquement le réel, il se sert d’un signifiant S1 en lui–même, qui remplit pour lui le rôle de
protection du monde. Il nomme tout par ce signifiant. Dans son livre « La
bataille de l’autisme », Eric Laurent commente cet extrait pour illustrer
que Jacques Lacan différencie deux théories de la nomination – celle de l’ainsi
nommé « principe de la non détermination de la traduction » : lorsqu’on
nomme quelque chose, nous le définissons et ce que nous avons défini une fois,
est ensuite découvert pour toute interprétation et l’autre, la théorie de
Lacan selon qui la nomination a valeur d’évènement, il y a quelque chose qui
arrive au moment de la nomination. Lorsque l’enfant du cas commenté dans le
Séminaire I utilise le signifiant « loup » pour la nomination, c’est
comme s’il écrasait ce qui est nommé, de manière à ce qu’il n’entraine pas
derrière lui d’autres signifiants.
Dominique Holvoet , en s’appuyant
sur la cas de l’enfant-loup, a indiqué que le corps ne recouvre pas l’organisme
et qu’on rencontre des objets qui ont le statut d’une partie du corps chez l’enfant
autiste. Ces enfants s’intéressent souvent à tout type de trous et orifices/
fentes, qu’on peut envisager comme parties du corps de l’enfant. La fonction du
symbolique consiste justement en cela : à « faire des trous ». C’est notamment parce que chez l’enfant autiste il n’y a pas cet usage du symbolique que
surgit la nécessité de faire des trous dans le réel. L’enfant est entièrement envahi par une excitation dont il ne peut pas se soustraire. L’enfant doit trouver un remplaçant à l’image du corps, qui est absente chez lui, en « recousant » son espace subjectif ou bien à travers la rencontre d’un « double ». La langue et la voix créent un évènement dans le corps, qui provoque à chaque fois une forme d’automutilation. Ils doivent être éteints parce que ils confrontent le sujet autiste à l’ambigüité de la langue, où un
mot nous renvoie systématiquement à un autre.
Dans son livre « La bataille
de l’autisme » Eric Laurent parle de la particularité de l’autisme par
rapport à la paranoïa et la schizophrénie. Le champ des psychoses peut être
envisagé non seulement à partir du mécanisme de forclusion du Nom du Père,
c’est-à-dire un dommage irréversible du registre symbolique, mais aussi à
partir de ce qu’on peut nommer comme retour de la jouissance. C’est un
processus similaire entre l’autisme, la paranoïa et la schizophrénie, mais il
existe une différence dans le mécanisme spécifique de retour de cette
jouissance. En ce qui concerne la paranoïa, le retour de la jouissance arrive
chez l’autre. C’est la raison pour laquelle le mauvais objet est toujours situé
chez l’Autre. Dans la schizophrénie, la jouissance fait retour dans le corps
propre du sujet, et le corps propre est le premier Autre du sujet. Et si dans
la paranoïa et la schizophrénie il y a un mouvement d’investissement de la
libido, dans l’autisme ce mouvement est absent. Dans l’autisme, le retour de la
jouissance arrive à une frontière, à la « limite ». Pour le sujet autiste, il n’y a pas d’Autre,
qui soit séparé de lui et c’est la raison pour laquelle le mouvement
d’investissement de l’Autre ne peut pas avoir lieu. Il n’y a pas non plus
d’investissement du corps propre chez l’autiste parce qu’il n’a pas de corps,
construit comme tel, il ne dispose pas de l’enveloppe de son corps et ne le
reconnait pas dans le miroir. C’est la raison pour laquelle il doit s’inventer
une « barrière » corporelle sécurisante dans laquelle il va être
protégé de toute intrusion de l’Autre. C’est un corps dont tous les orifices
sont bouchés, un corps sans trous. Dans le cas de l’enfant-loup il a été
souligné qu’il ne peut pas y avoir de trou chez lui. La nécessité de
trous est une forme de développement par rapport à cet état initial. Le trou
est quelque chose qui nous permet d’avoir extérieur
et intérieur et ce n’est qu’à ce moment-là
que quelque chose peut être construit autour de son bord.
Eric Laurent, prenant appui sur
les particularités de l’objet, propose une topologie spéciale de l’espace
subjectif du sujet autiste. L’objet est défini comme ce qui est un reste du
vivant, lorsque celui-ci n’est pas noué à la langue (l’objet petit a). Durant
son développement, lors de la rencontre avec la langue, la perte de jouissance
est ce qui fait en sorte que l’enfant
incorpore l’objet oral, l’objet anal, la voix et le regard, sur lesquels est
basé le lien à l’autre. Le sujet autiste n’a incorporé aucun de ces objets, qui
ont une valeur de réel dans son monde
et sont ainsi vécus comme une intrusion vis-à-vis de lui. On observe alors un
corps, qui ne fait que jouir et des objets, qui sont des parties du corps et,
dans ce sens, sont très vivants
Rédigé par : Ralitca
Stoyanova
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