Compte-rendu du séminaire Nouages 2013 à Genève

 

 

Compte-rendu du séminaire Nouages à Genève

 
Compte-rendu établi par Dominique Tercier
 

Le 21 septembre a eu lieu à Genève le séminaire Nouages, qui a permis aux membres de l’ASREEP-NLS de travailler avec trois collègues de la NLS qui nous ont fait le plaisir de répondre à notre invitation : Dorota Parowska de Pologne, Yves Vanderveken et Thomas Van Rumst de Belgique.

 

Dans la perspective du prochain congrès de la NLS qui se tiendra à Gand les 17 et 18 mai 2014 (Ce qui ne peut se dire – désir, fantasme, réel) Yves Vanderveken a ouvert cette journée par une introduction au Séminaire VI et un commentaire de trois points qui l’ont retenu dans sa lecture, se référant également aux commentaires qu’ont déjà pu en faire Jacques-Alain Miller et Dominique Holvoet.

 

Il a ainsi souligné le pas décisif franchi par Lacan lorsqu’il déconstruit la notion du Nom-du-Père en tant que point de garantie de l’Autre, comme loi organisant le champ de l’Autre. Dans le champ humain, quelque chose du désir objecte sans cesse, se dérègle et se refuse à entrer dans les petites cases de la loi. Le désir ne peut se dire, se maîtriser, s’organiser totalement. « Autrement dit, la vérité du désir est à elle seule une offense à l’autorité de la loi » (p. 95). Ainsi, le désir qui émerge dans le rêve de la petite Anna Freud (qui énumère les fraises et autres gourmandises qui lui avaient été interdites dans la journée), est déjà une offense à ce que le discours de l’Autre est censé venir régler de la pulsion orale.

 

Nous rejoignons là la théorie freudienne du retour du refoulé, qui correspond au symptôme en tant que retour de ce désir qui ne cède pas à la répression surmoïque. Ainsi, le désir se présente d’abord comme un trouble : trouble pour l’Autre de la loi, mais aussi pour l’être parlant lui-même. « La chose freudienne, c’est le désir. » (p. 424). Partant de là, il y a différentes manières de prendre le « ce qui ne peut se dire » : du côté du sujet barré, du point de butée que rencontre l’association libre qui fait que le sujet n’arrive jamais à se retrouver lui-même dans ce qu’il dit, ou alors, du côté de la pulsion, de ce qui ne peut se dire et qui continue à insister.

 

Yves Vanderveken a ensuite développé les trois points suivants.

 

Dans ce séminaire, Lacan passe du mythe à la structure : il se dégage en effet peu à peu des représentations imaginaires présentes dans la psychanalyse (le complexe d’Œdipe) pour se concentrer sur les points de structure (le complexe de castration), en opposant les dimensions synchronique (structurelle) et diachronique (p. 215), cette dernière risquant d’amener à glisser vers des théories psychogénétiques et développementales : mère dévorante, castratrice, interprétation d’Ella Sharp du rêve de son patient basée sur des théories pré-formées (p. 233). « L’Autre se manifestera au sujet, tout au cours de son existence, par des dons ou par des refus. Mais cela ne se situera jamais qu’en marge du manque fondamental qui se trouve comme tel au niveau du signifiant. » (p. 441). Ce qu’il s’agit ainsi de cerner dans la clinique, c’est comment ces éléments structuraux s’articulent entre eux dans la topologie du sujet.

 

La conception inédite du désir qui apparaît dans ce séminaire, qui situe l’objet du désir comme cause, en arrière-plan, allant ainsi à l’encontre de la perception immédiate et de bon sens de la chose, où l’objet du désir est bien défini et concret. Les objets sur lesquels se porte le désir sont métonymiques, alors que l’objet cause est fixe, ne se donne pas immédiatement et est à lire et à construire.

 

Enfin, Jacques Lacan recourt à un nouveau mythe : celui d’Hamlet, qualifié de déclinaison moderne du mythe d’Œdipe dans le rapport du sujet aux éléments structuraux. En effet, alors qu’Œdipe ne connaît pas les enjeux dans ses rapports à son père et à sa mère et que pour lui, tout se joue donc au niveau inconscient, pour ce qu’il en est d’Hamlet, tout est dévoilé et est su d’emblée. La jouissance féminine se trouve sur le devant de la scène. Alors que le mythe d’Œdipe se situe à l’époque du signifiant-maître patriarcal, le mythe d’Hamlet correspond à une époque où le semblant s’est dévoilé dans sa dimension de semblant, où le Nom du Père a dévoilé sa facticité, rendant compte d’une nouvelle forme de névrose moderne.

 

Dans la seconde partie de la journée, Babeth Hamel, Thomas Van Rumst et Dorota Parowska nous ont proposé chacun un cas de leur pratique.

 

Babeth Hamel, dans un texte intitulé « Le premier pas », décrit son travail dans une pouponnière avec une petite fille de 22 mois, hébétée, perdue, qui se faufile d’autorité dans son bureau en disant « moi, moi, moi ». La discussion a porté principalement sur le commentaire de Babeth qui, reprenant une poupée rejetée par l’enfant dans une boîte, dit à la petite fille : « Ici, on s’occupe des enfants », permettant à cette enfant laissée tombée de rencontrer un Autre qui lui garantisse une place et pour lequel elle compte comme sujet. Ainsi, elle peut se mettre à déplier les signifiants de manière de plus en plus élaborée, à dire je, à jouer. On observe dans cette présentation comment le travail se fait à partir des points de structure que rencontre cette enfant, sans se laisser emporter par les éléments diachroniques de son histoire de vie et de sa famille.

 

Thomas Van Rumst, quant à lui, évoque le cas d’un jeune homme que tout regarde, et dont l’état psychique peut aller de tendances maniaques à un mutisme mélancolique – lorsque par exemple il est assigné à une place, inscrit dans un groupe défini, et non plus entre deux groupes, dans l’institution où il vit – et qui se sent poussé à constamment acheter et revendre des portables, gardant un souvenir précis de toutes ses transactions, dont il chiffre le résultat. La question soulevée lors de la discussion à été de savoir s’il tente de se délester du trop, ou s’il essaie plutôt de produire un objet, pour éviter d’être lui l’objet tout entier, dans une tentative également de loger sa libido dans un circuit pulsionnel qui puisse se chiffrer.

 

Dorota Parowska présente le cas d’une jeune femme qui s’était adressée à elle en raison de difficultés dans ses études de linguistique, principalement lorsqu’elle se trouve confrontée à des textes à contenu polysémique, et qui parvient à quitter un discours fait de formules toutes faites suite à une intervention de l’analyste qui met un arrêt à des conduites où elle se mettait en danger avec des hommes. Une discussion intéressante s’en est suivie autour de la question de la psychose ordinaire.

 

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