EFP – Vers le Forum à Rome – Marie-Claude Sureau – Yves Depelsenaire

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Images intégrées 2

Les
migrants : de nécessiteux à quémandeurs, pas sans l’Autre

 

Marie-Claude Sureau

        

 

En
lisant le texte de Rose Paule Vinciguerra dans lequel elle présente la
réflexion si pertinente d’un enfant lui disant que les migrants avaient quelque
chose à eux qui est leur langue, il m’est revenu un passage de J-A Miller dans
son cours ‘du symptôme au fantasme et retour’(du 1er décembre 1982)
où il parle de l’introduction du langage chez l’enfant, il part du besoin de
l’enfant : « Ça fonde un couple, le couple du nécessiteux – comme on
appelle à l'occasion le petit d'homme – et de la présence qui peut combler ce
nécessiteux. »

Le
migrant n’est-il pas un peu comme le petit d’homme un « nécessiteux »
d’abord quand il débarque en Europe ? Et les associations chargées de
l’accueil et les Pays d’Europe une présence sensée combler, ou pas, ce
nécessiteux ?

 

Le
besoin, on a besoin de le parler

J.-A.
Miller poursuit : « Lacan, évidemment, a utilisé ce schème, mais il
l'a détourné en faisant valoir qu'il ne fallait pas négliger le tiers présent
dans cette relation, à savoir que ce besoin est médiatisé par le langage,
c'est-à-dire que le besoin, on a besoin de le parler. On n'a pas besoin pour
cela de faire des discours. Il suffit d'être au niveau de l'opposition
phonématique. Lacan s'est penché sur ce que le fait d'être médiatisé par le
langage transformait de cette donnée initiale. Une fois que ce besoin rentre
dans le circuit, il rentre dans le
circuit d'une demande à l'Autre
– à l'Autre avec un grand A parce qu'il
surplombe sérieusement le sujet nécessiteux. Quand donc ça rentre dans ce
circuit dominé par ce grand A, qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce qui se
produit ? On n'a plus alors un
nécessiteux mais un quémandeur, et, un quémandeur, c'est une autre logique.

Par le seul fait déjà que le sujet est dans la situation de s'adresser à
l'Autre, il faut qu'il parle son langage. A cet égard, par la demande, le sujet
déjà dépend du langage de l'Autre. Il en dépend, c'est-à-dire que ce langage le
précède. »  

 

Passer de nécessiteux à
quémandeur c’est une autre logique

Donc
passer de nécessiteux à quémandeur est un étape importante qui ne peut se faire
sans passer par le langage de l’Autre, la présence n’y suffit pas. Ne peut-on
pas appliquer cette réflexion au quémandeur… d’asile, de soins, de papiers
d’identité ? Le langage de l’Autre est différent selon les pays en Europe
par exemple, voir les régions, plus ou moins accueillantes. Il dépend du
langage de l’Autre et ce langage le précède, voilà aussi deux assertions
importantes que nous pouvons appliquer à la situation des migrants. C’est donc
à l’étude des divers langages de l’Autre qui dans nos sociétés sont là dès avant
l’arrivée des étrangers que le Forum de Rome va s’atteler. Pour passer de
nécessiteux au statut de quémandeur, de demandeur, il faut qu’il parle son
langage à l’Autre dit J-A Miller. Comment peuvent-ils, ces étrangers, parler
son langage à l’Autre contemporain ? C’est ce que les associations caritatives
diverses tentent de les aider à faire. Savoir parler à l’Autre dans les
chicanes de discours contradictoires par exemple, entre les discours officiels
et les pratiques, puis les discours associatifs qui ne sont pas toujours
d’accord entre eux. Ce sont ces différents langages de l’Autre en ce moment en
Europe que nous allons pouvoir décrypter à Rome avec les interventions des
invités, pour nous y retrouver un peu mieux en analysant les multiples aspects
souvent contradictoires et peut être pourrons nous y inventer.

Par
exemple il y a ce double langage qui dit : venez demander asile et
aussitôt ils sont retenus dans des camps avec le risque d’être renvoyés
ailleurs. Le quémandeur migrant dépend du langage de l’Autre, de l’époque, nous
y retrouver dans ce langage de l’Autre peut nous permettre d’y intervenir, ce
sera un enjeu du Forum de Rome. Ce n’est pas que nous croyons en l’Autre, on
sait que l’Autre ne se présente que comme barré, manquant, même à Rome. Mais
c’est avec le soutien de ces références à Lacan, que J-A Miller nous oriente
vers « la subjectivité de l’époque » et distinguer ces figures du nécessiteux,
devenu quémandeur et demandeur est important. Il y à décrypter dans la
discorde des discours : il peut s’agir de demande d’hébergement, de soins,
d’orientation, d’intégration, juste d’être là ou être de passage pour aller
ailleurs, vers un éldorado à l’horizon ou vers le pire. Les mineurs non
acompagnés par exemple sont là dans une grande diversité, singularité de leurs
parcours. Les bonnes volontés si elles sont nécessaires ne sont pas suffisantes
car les problématiques accueillies sont diverses et complexes. La logique de
passer par le langage de l’Autre pour ne pas rester nécessiteux mais devenir
quémandeur ou demandeur est en tous cas une boussole.




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Que
chacun reste chez soi !

Yves Depelsenaire

 

 

Je me suis pâmé, il y a huit jours, devant un campement de Bohémiens
qui s’étaient établis à Rouen. Voilà la troisième fois que j
en vois. Et toujours avec un nouveau plaisir. Ladmirable, cest quils excitaient la haine des bourgeois, bien quinoffensifs comme des moutons. Je me suis fait très mal
voir de la foule, en leur donnant quelques sols. Et j
ai entendu de jolis mots à la Prudhomme. Cette haine-là
tient à quelque chose de très profond et de complexe. On la retrouve chez tous
les gens d
’ordre.

C’est la
haine qu
on porte
au Bédouin, à
l’Hérétique, au Philosophe, au Solitaire, au Poète. Et il y a
de la peur dans cette haine. Moi qui suis toujours pour les minorités, elle m
exaspère. Du
jour où je ne serai plus indigné, je tomberai à plat, comme une poupé
e
à qui on retire son bâton.

G. Flaubert, lettre à G. Sand, 12 juin
1867 (Correspondance, é
d. de la Pléiade
tome 5, pp. 653-654)

 

Bohémien, bédouin, hérétique, philosophe,
solitaire, poète: la liste est disparate. Qu’est-ce qui les réunit donc ? La
haine des gens d’ordre, la peur de ceux qu’on ne peut assigner à une identité
commune. Flaubert est deleuzien avant l’heure, qui tenait le devenir
minoritaire pour la tâche politique de la gauche par excellence. La majorité
c’est personne, la minorité c’est tout le monde, disait-il joliment.

Les figures nomades du bohémien et du bédouin,
celles toujours quelque peu délirantes, du philosophe ou du poète, celle,
déviante et subversive,  de l’hérétique,
se rejoignent dans celle du solitaire, de la singularité qui s’excepte des
rangs, qui ne rentre pas dans la norme, qui va son propre chemin, bref la
figure de celui qui n’obéit pas. 

La figure de l’étranger ne recouvre que
partiellement cette série. Etrangers, certes le bohémien, ou le bédouin au
regard du critère de l’identité territoriale , étrangers le philosophe et le
poète au regard de la conformité au discours commun, étranger l’hérétique au
regard de l’air du temps. Mais  il
s’agit  là aussi de figures quelque peu exotiques,
pittoresques, voire  extravagantes, qui
peuvent simplement faire sourire, quand ce n’est se pâmer comme dans le cas de
Flaubert.

 Or
l’étranger, c’est aussi « cet étranger vêtu de noir qui me ressemblait
comme un frère » de la Nuit de Décembre d’Alfred de Musset, cet
autre qui est en quelque sorte en moi plus que moi, ce double dans lequel
Musset reconnait un frère, mais qui est gros de tous les fantasmes
paranoïaques. Rien comme la figure de l’étranger pour cristalliser la haine,
une haine d’autant plus féroce qu’elle vise dans l’autre le kakon qui
git au coeur du sujet lui-même. Derrière toutes les célébrations de l’identité,
heureuse ou malheureuse, sachons repérer le spectre de cette menace.

 

La psychanalyse ne connait pas l’identité, elle
ne connait que des identifications. L’identité, heureuse ou malheureuse, n’est
qu’une identification plus aliénante que les autres. Certes toutes les cultures
construisent des identités, sociales, familiales, culturelles, religieuses,
sexuées, personnelles et collectives, qui constituent des repères symboliques
essentiels. Mais il suffit de s’arrêter simplement à cette invention historique
majeure, qu’est la carte d’identité, invention qui est affaire de police et de
criminologie, pour saisir en quoi  l’
immigré sans papier  incarne si facilement l’objet d’opprobre dans  nos sociétés obsédées  de contrôle 
et de sécurité quand elles dérivent vers l’extrême droite. En France, on
notera d’ailleurs que c’est sous le régime de Vichy que la carte d’identité
devint obligatoire.

 

Au temps de la mondialisation, pas de mot
d’ordre politiquement plus rentable que celui de protéger les frontières. Quand
l’immigré sans papier n’est  pas un
criminel en puissance, il est celui   par
qui s’effondreront les valeurs séculaires de l’Occident, par qui se lézarderont
les traditions éducatives et culturelles, 
par qui seront bouleversés les acquis sociaux,  bref celui dont le mode de jouir fait au
notre une guerre sans merci. Bien difficile de déjouer de tels arguments, quand
les temps sont à la peur.  Alors, comme
le disait le grand Louis Scutenaire: 

 

Que chacun

reste chez soi

les Maoris

au Groenland

les Basques

en Ethiopie

les Peaux Rouges

en Nouvelle Guinée

les Picards

 à Samoa

les esquimaux

à Bratislava

les Papous

en Wallonie

et les Celtes

en Sibérie. 

 

 

 

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