En Corps 15 – Vers le congrès de l’AMP/Towards the WAP Congress 2016

L’art de la pointe
d’une mise en scène cinématographique, qui nous regarde :

Spring
Breakers, d’Harmony Korine
.


Inma Guignard-Luz*


Ce qui m’a
intéressé dans ce petit bijou cinématographique, tient à sa justesse de
parcours, qui telle une flèche atteignant sa cible, semble n’éclairer la mise
en scène de « la malédiction du sexe » que pour mieux accentuer les
contours d’ombre de la chose corporelle pour les parlêtres.

 Un film qui, si bien semble tourner en rond
dans une compulsion répétitive d’images qui se télescopent, ne laisse jamais le
champ scopique se refermer sur le corps in visu. 

Si se  conjoignent dans une action permanente, la
scène et le hors scène, le rêve et le réveil ; la pléthore d’images de
chairs, rehausse à tout moment la volonté compulsive des corps parlants, à
mimer ici, un semblant de jouissance qui se voudrait thématique et
collectivisée dans la culture de notre temps ;  se menant jouir dans une quête illusoire
d’identité  ( voulant  se
trouver, se connaître, se reconnaître
dans son mode de
jouir) ;  des résonnances
corporelles inaudibles parviennent au spectateur, dans les points de fuite au
tableau,  troué par des faits qui vont
sans dire.

 Montage cinématographique qui parvient avec
brio à dé-monter de l’image, ce qui ne peut en aucun cas être filmé : Le
corps séduisant en surface mais menaçant dans le fond, pour chacun.

 Le scénario mis en place par Korine met en
crise toutes les structures culturelles régulatrices, sans que toutefois le
film s’écroule, tant le point aveugle, organisateur du montage
cinématographique, tient la route.

Concernant
la narration, Korine déclarant avoir voulu faire de ce film, une méditation
incroyable sur l’état de « la chose »
, la construit aussi, en
forme de récit fluide tournant en boucle, inspirée par une énergie qu’il
revendique sans logique ; les sons surgissent de toutes parts sans toutefois
nous noyer. L’expérience qu’il a voulue physique parvient à nous traverser.

Je
n’hésiterai pas à traiter ce film comme « l’Art d’élever l’impératif jouisseur
d’époque à la dignité du mythe pour mieux le briser
 ».

Ambition
réussie d’un film qui dépasse les « subjectivités », chères à
l’époque.

Montage
musical hallucinogène, où rap hardcore, pop guimauve, trip hypnotique rentrent
en résonance, dans une Reprise d’une ballade de Britney Spears, icône de la
réussite désenchantée de cette Amérique hégémonique de l’arrogance
compulsive du savoir-pouvoir.

Le Spring Breakers, c’est les vacances en Floride que passent les étudiants
américains après leurs examens de printemps et dont le principe est la volonté
de faire l’expérience d’une jouissance mythique absolue, sans reste.

En s’attachant quelques jeunes starlettes en vogue des séries TV
américaines, jouant le groupe de filles fauchées prêtes à tout pour vivre à
fond le rêve américain, Korine nous avoue, que pour lui, tourner un film c’est
en transgresser le sujet pour y déceler quelque chose de mystifié.

Guidée par mon propre regard du film, je dirais que le mythe transgressé
ici, tient dans la croyance du rêve américain aux conceptualisations savantes
pour broyer l’os que constitue le sexe ; Tient dans la fonction d’alibi
des différences culturelles, sociales et de race, comme justification de la
mésentente des sexes.

Quatre
filles mises en scène circulant d’un lieu à l’autre, d’un temps à l’autre, sans
en être apparemment affectées par la contradiction ni la différence ;
reliées toutefois, chacune, par le fil invisible du tél portable, à l’autre de
la famille hors scène, appelé à légitimer cette féroce volonté à se connaître,
alors qu’elles sont aspirées, appareillées, dirait-on, par leurs singuliers
excès corporels ingouvernables.

Des filles
qui servent avec brio la mise en scène de jeunes sujets d’apparence féminine,
voulant servir leur propre volonté de satisfaction illimitée, sans conséquence
aucune. Se pensant comme des sujets sexués immanents ; Croyant partir, de
soi-même, se faire soi-même. Ici, le vrai savoir, semble pris en otage
par la volonté de jouir sans entraves dans un vouloir « Savoir jouir »!.

On assiste à
une économie de la jouissance des corps, d’allure quasi mécanique ; Comme
si quelque spectre technique à l’intérieur de la science moderne était parvenu
à en diluer leur propre limite interne.

Pas de temps ni espace vide ; Korine mettant en scène des sujets
expropriés de la possibilité de faire l’expérience du vide de la chose ;
clos dans des champs thématiques d’un excès qui se voudrait homogénéisant et
identitaire : Scène du braquage qui, dans le temps de l’action, défile en
même temps, par la fenêtre de la voiture, comme un rêve ; comme un film
qu’elles parviendraient à se jouer à elles-mêmes tout en y rentrant dedans ;
slogan «  Spring Breakers » crié comme une ritournelle, cri de
ralliement, chant mortifère des soldats allant au casse pipes, enivrées., chant
de guerre, jusqu’au dernier assaut.

Et pourtant, s’il n’en existe aucune que ne s’inscrive dans cette
chevauchée, elles ne s’y inscriront pas toutes pareilles. Korine introduisant
l’imposteur qui, malgré lui-elles, les départagera : Alien, personnage
bardé de breloques bling- bling, roi bouffon quelque peu romantique d’un
royaume en carton-pâte, du tout avoir, va subir le putsch girl power qui en
dénonce l’imposture en le dépassant à son propre jeu de Tiran quelque peu
sentimental ; lui imposant la fellation simulée à ses propres armes.

Alien, interprété par James Franco, caïd pathétique en au moins Un, en
les dédouanant de la prison où elles ont atterri, en tant que mineures, prend
place, dans le tableau de la mascarade-imposture à cagoules roses et fusils à
pompes.

En jouant magnifiquement son rôle de Kid du monde commercial Disney jusqu’à
en crever, dans la guerre des gangs qui l’oppose à son ami d’enfance et rival
le rappeur Gucci Mane, Alien réduit le mythe

d’Un tout seul qui ordonnerai l’univers du tous et jouirai de toutes, à l’
imposture de bouffon unique impossible.

Si le film ne s’enlise pas, c’est parce que dans son fonctionnement en
boucle, par une mise en scène permanente d’insatiable exhortation, sa trame en
spirale, la relance perpétuelle, il avance, magistralement tendu vers son
implosion finale.

Si selon Korine, la culture alternative n’existerait plus ; si sur le net
tout flotte de manière indifférencié, le contraire de l’underground, il
parvient à réaliser un film, à la limite tragico-comique, par une débauche de
chair, de poses explicites qui crient au monde la confusion entre l’immonde
étrange qui atteint les corps et leur administration ordonnée par des discours
qui se voudraient scientifiques ; servi avec brio par une Culture pop
tourbillonnante qui agit comme un incessant appel à l’évasion, non des corps
quelque peu orchestrés, mais d’un corporel cacophonique.

Une des meilleures micro-scènes du film est ciselée par le jeu inhibée de
la caméra approchant timidement une de filles atteinte au bras par une balle
perdue ; trou creusé dans sa chair, par accident, qui suscite perplexité,
d’abord, mais et surtout, dérobade face à la caméra ensuite ; Une fille
qui ne se plaignant un seul instant de douleur, met magnifiquement en scène la
Honte ; elle en est HONTEUSE. Comme si n’ayant pu, malgré elle, échapper à
quelque chose d’effroyablement corporel dans le corps propre ; n’ayant pu
ni l’anticiper ni voulu, se manifestait accablée, sous le poids insurmontable
de l’échec. La honte met ici en relief, par un certain point touché, le
désenchantement de l’espoir de fuite (impossible) de l’ex-sistance du corporel.

Exercice filmique d’extra lucidité, sur les limites du concept d’incarner
le sexe ; mise en relief monstrueuse du surplus incongru que sécrète le
sexe, au-delà des identifications sous forme de mascarade féminine ou
d’imposture masculine.

Si Lacan a dé- substantialisé le sexe, Korine filme en gros plan la fraude
incluse dans toute proclamation d’une identité sexuelle positive, tant pour les
hommes que pour les femmes ; ce qui ne veux pas dire que leurs positions
soient ni symétriques ni complémentaires. Le Maitre de l’univers démasqué,
l’univers de femmes s’avère impossible et l’univers des hommes une illusion que
seule l’imposture légitimerait.

Mise à mal du pan-culturalisme prétendant absorber l’intemporel. Echec et
mat partout et pour tous, décliné par l’engagement-désengagement-disparition,
de chacun-e, par peur, par défaillance, par lucidité…

En extrayant de ces images de la culture pop des années 2000, la remise en
mouvement de la solitude encombrante de l’être, H Korine met à l’épreuve
jusqu’à l’épuisement la vacuité d’une impunité de la culture pop. Comme s’il y
avait lieu de se laisser regarder par ces images méprisées, mises au rebut des
conceptualisations savantes, sur les différences sexuelles, «
dites », dépassées ; d’en repérer sa fonction de fronde sauvage
visant à se dédouaner de la jouissance en trop qui embrase les corps de chacun,
homme ou femme.

La mise en scène de Spring Breakers n’oppose pas d’antidote. Le film ne
finit pas en cauchemar ; car c’est le cauchemar des sujets, tant féminins
que masculins qui organise le film pour un rien qui est partout ; Un film
qu’on pourrait aussi bien dire pour rien ; car à différents moments,
chacune revient, bon gré mal gré au point de départ bredouille. Sans se
connaître, même si elles auraient surement des histoires irracontables à
raconter.

Dans une tentative d’échapper à l’intolérable état d’angoisse qui ne
correspond à aucune expérience localisable vécue, les sujets contemporains
semblent plutôt opter par la soumission au commandement féroce et insatiable à
jouir, pour dissoudre l’énigme intolérable de la jouissance, dans ces temps
pétris de science. On demande-se demande, comment jouir et on ne veut rien
savoir du fait qu’on jouit !

 

* Membre de l’ASREEP-NLS et de la NLS et de L’ELP.

 

Activités sur "le Corps
parlant" dans la NLS  / Activities on "The Speaking body"
in the NLS


Kring
psychoanalyse

Conversation sur
le texte de J.A.
Miller "L'inconscient et le corps
parlant"-
9 octobre 2015

Anne Lysy et Joost
Demuynck

 

Première
conversation clinique belge
 – Gand, Samedi 6 février 2016

“Le corps parlant
au 21e siècle”
, animée par Éric Laurent

réservée aux
membres du Kring voor Psychoanalyse van de NLS et de l’ACF-Belgique


 NLS-Québec

41ème rencontre du Pont Freudien à Montréal, 16, 17 et 18 octobre 2015

Le corps parlant :
un nouveau concept pour l'inconscient
– samedi 17 octobre 2015

Avec la
participation de Dominique Holvoet


Giep-NLS, Israel

Study days of the GIEP-NLS in
preparation of the AMP conference will be held in the 23rd and
24th of October under the title: "Within body,
within. Body and Space"
.
Theoretical and clinical works by many of
the GIEP members will be presented in the study days together with a
performance by the auditory artist Victoria Hanna.


Programme de clinique psychanalytique Gand –  "Le corps
dans tous ses états"

24 octobre 2015– Séminaire théorique : Introduction par Anne Lysy et
Lieve Billiet, Séminaire clinique, Points de butée pour la psychanalyse :
" Art et douleur, autour de Jan Fabre
" par Lieven Jonckheere
et Joost Demuynck.

ASREEP-NLS- Genève, "La « position mélancolique » dans l’hypermodernité"

Animé par Babeth Hamel et Nelson Feldman

27 juin 2015 –
Marie-Hélène Brousse, ancienne AE, AME

3 octobre 2015 –
Franck Rollier, AME

12 décembre 2015
– Sophie Maret-Maleval, AME

Alors que nous
mettons le cap sur Rio, où aura lieu en 2016 le
Congrès de l’AMP sur Le corps parlant, le Séminaire
d’Orientation Clinique de l’ASREEP placera à son horizon ce que nous
annonce le Directeur
du Congrès, Marcus André Vieira : « Il s’agira de bien dire ce qui se passe
dans notre pratique
quand elle se donne comme partenaire le
parlêtre, c’est-à-dire quand elle vise le parlant du corps – et
pas tellement ce que ce parler engendre comme
semblant d’identité.

ICLO-NLS, Ireland "Language and the Body"

December 5th, 2015Gil Caroz, "The Contemporary Subject
and the Choice of Mode of  Jouissance"                 

February 6th, 2015Domenico Cosenza,"Body and Language in Eating
Disorders"



London Society-NLS in collaboration with Art and Philosophy at Central Saint
Martins

“The Speaking Body is
Today’s Unconscious”

January 21st, 2016- Pierre
Gilles Gu
éguen, “The Body and the Imaginary”

February 4th, 2016- Marie-Hélène Brousse, “The
Symbolic and the Body”

February 13th, 2016- Vicente Palomera, “The
Real and the Body”

March 3rd, 2016- Bruno de Halleux, “Sexuality
Today
" 

March 17th, 2016- Alexandre Stevens, “Unlimited
Enjoyments”

May 19 th, 2016- Eric Laurent, “Contemporary
Symptoms”

 


 

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