De 9 à 19 h !
Attention à la démocratie !
Katty Langelez-Stevens
Dans mon petit texte précédent, je vous disais comment Viktor Klemperer s’est soutenu d’une thèse très proche de Freud, en tout cas telle que Lacan l’a relue. Pendant les douze années de dictature allemande, il observe, étudie comment le nazisme s’insinua dans la chair et le sang du grand nombre à travers des expressions isolées, des tournures, des formes syntaxiques qui s’imposaient à des millions d’exemplaires et qui furent adoptées de façon mécanique et inconsciente. Tout comme les psychanalystes, il pense que c’est la langue qui est le maître des pensées et non l’inverse. L’humain est assujetti à la langue et son désir est toujours le désir de l’Autre, c’est-à-dire de ce qui est véhiculé par la langue. « La langue ne se contente pas de poétiser et de penser à ma place, elle dirige aussi mes sentiments, elle régit tout mon être moral d’autant plus naturellement que je m’en remets inconsciemment à elle. Les mots peuvent être comme de minuscules doses d’arsenic : on les avale sans y prendre garde. » (1)
Pour parvenir à imposer la LTI, Goebbels, ministre de la propagande du IIIème Reich, a utilisé les journaux et les radios. La Bible de cette langue était le livre d’Hitler, Mein Kampf. Ensuite elle a été diffusée largement grâce au contrôle strict des médias qu’orchestrait Goebbels. Plus question d’écrire comme avant, il fallait s’en tenir au nouveau vocabulaire et à la syntaxe prescrite. C’est ainsi qu’a pu se propager massivement un délire paranoïaque organisé : l’Autre méchant en place de persécuteur, ennemi du peuple allemand, était le Juif. Cette figure diabolisée permettait ainsi à tous ceux qui se sentaient floués, frustrés, aigris de se rassembler contre et d’accepter finalement une guerre au nom soi-disant de sa propre défense. Grâce à la langue du IIIème Reich et à son organisation délirante autour d’un ennemi, le Juif et d’un sauveur, Hitler, le peuple allemand a voulu croire qu’il était attaqué et qu’il pouvait légitimement se défendre. Paradoxalement ce qui a rendu possible cette folie collective destructrice, c’est la démocratie et la liberté d’expression. Au nom de ces deux principes éminents, les pires ennemis du genre humain peuvent imposer leur rhétorique haineuse et tordue. Parvenus au pouvoir, ils font très vite le nécessaire pour réduire la liberté d’expression et verrouiller la démocratie en s’attaquant aux principes de l’Etat de droit. Les exemples polonais et hongrois en Europe ne sont que trop explicites à ce sujet.
Alors, faut-il, ou pas, encadrer la liberté d’expression ? Surtout celle qui sévit sauvagement sur le net. Faut-il, ou pas, inviter des représentants des partis extrêmes sur les plateaux TV et leur donner ainsi la chance de diffuser en masse leurs idées simplistes, sans éthique, voire pousse-au-crime ? Viktor Klemperer regrettait que dans les années 20, la République de Weimar ait permis la diffusion, la publicité et la propagation des idées nazies. A l’heure de la mondialisation instantanée de l’information, il faut sans doute trouver des moyens d’encadrer et de faire appliquer les lois qui existent pour punir les propos racistes et antisémites.
Que le site d’extrême-droite le plus virulent et haineux s’intitule « Démocratie participative » ne devrait pas nous étonner puisque les extrémistes sont toujours démocrates tant qu’ils ne sont pas au pouvoir. Son intitulé lui permet ainsi d’attraper dans ses filets beaucoup de naïfs égarés.
De nombreux titres de partis d’extrême-droite en Europe contiennent soit le mot démocratie, soit le mot liberté. En Allemagne le NPD (parti national-démocrate), en Autriche le FPÖ (parti de la liberté d’Autriche), en Croatie l’Alliance démocratique croate de Slavonie et Baranya, en Espagne Démocratie nationale est un parti nationaliste et populiste, aux Pays-Bas le Parti pour la Liberté, en Suède les Démocrates de Suède. Et enfin au sein du Parlement européen, on trouve L’Alliance pour la paix et la liberté, mouvement politique européen créé en 2015, qui rassemble divers mouvements ultranationalistes en Europe et aussi le groupe Europe de la liberté et de la démocratie directe.
La torsion et l’utilisation perverse des mots est aussi un principe de la LTI. A nous aujourd’hui d’être vigilants et de dénoncer ces glissements malignement introduits dans la langue.
(1) Viktor Klemperer, LTI, la langue du troisième Reich, Albin Michel, 1976. p. 40.
Adresse: Université de St. Louis, Salle OM 10
6, rue de l’Ommegang, 1000 Bruxelles
Traductions simultanées en français, anglais et néerlandais
Horaire: 9h -19h
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