Forum Europeo – Débat – C. Alberti, M. Belilos, I. Guignard-Luz, E. Varela, O. Ventura, B. Wolf (français, espagnol, anglais)

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Forum Europeo di Milano
Débat

L’Europe du discours

Christiane Alberti

Ce qui ne peut plus durer

Qu’il me soit permis par ce clin d’oeil à Althüsser, d’accentuer le bouleversement radical que nous sommes en train de vivre dans les démocraties occidentales et bien au-delà. En France, il s’est notamment matérialisé par l’échec cuisant des partis de gouvernement aux dernières élections présidentielles. Sans doute n’avons-nous pas suffisamment pris la mesure de l’onde de choc que cet évènement a constitué.

Après le consensus de l’après guerre, l’Europe a signifié longtemps la paix entre des États qui s’étaient régulièrement fait la guerre, une certaine stabilité démocratique après les expériences nazies et fascistes, la construction d’une force politique capable de peser sur l’Europe mais aussi sur les affaires du monde. Même si l’on peut se demander si de l’autre côté de la Manche, on ressentait l’Europe ainsi ? Le récent Brexit atteste que rien n’est moins sûr.

Toutes les institutions sur lesquelles reposait jusqu’à présent nos sociétés sont remises en cause. Et les institutions européennes en particulier sont ébranlées : le suffrage universel perd de sa force légitimante et il en est de même pour les partis politiques et les syndicats. La confiance dans les élus ne cesse de décroître. Il ne s’agit pas seulement d’une crise qui touche l’Etat, elle touche aussi la justice, la médecine, le journalisme, la famille, bref tout ce qui faisait notre routine du signifié.

En quelques années, le paysage politique européen a été bouleversé. Des États ont disparu, d’autres se sont constitués, l’URSS s’est défaite et aujourd’hui l’Union européenne perd un de ses membres. Et ces changements sont loin d’être clos.

Certaines démocraties que l’on croyait stables, car ayant connu l’alternance politique, sont gravement menacées. La Hongrie en est un exemple.

Tandis que démocratie rimait jusqu’il y a peu, avec les valeurs traditionnelles héritées du libéralisme politique (séparation des pouvoirs, indépendance de la justice, liberté d’expression…), on a vu émerger, dans le débat politique européen, le concept de démocratie illibérale. Viktor Orban en a fait la doctrine et le fer de lance de ce qu’il a nommé la « contre-révolution en Europe » dans son appel de septembre 2016 avec Jaroslaw Kaczynski, au forum de Krynica en Pologne. C’est à la science politique que cet idéologue dangereux a emprunté ce concept. On doit à Fareed Zakaria d’avoir publié, il y a une vingtaine d’années, Illiberal Democracy1, avec la thèse suivante : après 1989, il y a eu prolifération de régimes dits démocratiques à la suite de la chute du bloc soviétique mais il ne s’agissait pas de démocraties libérales, avec l’État de droit, séparation des pouvoirs etc. Elles revendiquent une légitimité par les seules urnes au détriment d’une légitimité du droit. Ainsi Orban s’est emparé de ce terme pour avancer qu’il y a d’autres conceptions de la démocratie que la libérale : il défend un état illiberal fondé sur la dite souveraineté du peuple qui doit primer selon lui sur les contraintes constitutionnelles et les pouvoirs supranationaux toujours susceptibles de contrecarrer la volonté du peuple. Une fois élu par le peuple, Orban peut restreindre les libertés civiques, porter atteinte à la liberté de la presse et remettre en cause la séparation des pouvoirs. La perspective est claire : il ne s’agit pas d’une étape vers la démocratique libérale, la démocratie illiberale est une fin en soi. Il y a plus : à revendiquer cette autre conception de la démocratie soi disant fondée sur la souveraineté du peuple, on affiche clairement la volonté de changer l’Union européenne et pourquoi pas par la voie d’une alliance ou internationale populiste (un groupe au parlement européen ? ). L’enjeu des prochaines élections, on le voit, est décisif. L’Union européenne peut attaquer frontalement sur les principes de l’Etat de droit mais aussi sur les valeurs telles que le pluralisme, la tolérance, la non discrimination et décréter comme irrecevable l’argument de la Pologne qui veut, à l’encontre du plan de relocalisation, une société « ethniquement homogène » (Cf. l’article 2 du Traité sur l’Union européenne).

La leçon de la démocratie en Europe de l’Est nous fait saisir clairement qu’il ne s’agit pas seulement pour Orban et ses fans de se contenter d’une « révolution de rattrapage » selon l’expression d’Habermas, – se mettre au niveau des institutions démocratiques de l’Europe – mais que l’ambition clairement affichée est l’extension de « l’Europe du sursaut » : celle du peuple enfin maître de son destin. En clair, changer l’Europe pour rapatrier les pouvoirs vers les gouvernements nationaux.

La régression de la démocratie en Europe centrale n’est pas un phénomène isolé, pensons à l’Italie, l’Autriche, la France aussi bien (cf. le contexte dans lequel E. Macron a été élu).

Il apparaît en ce sens, que le libéralisme politique doit être défendu, c’est-à-dire ne pas limiter l’Europe au marché et au droit. Si l’on veut véritablement contrer la pente qui consiste à dresser le peuple contre la démocratie, pour reprendre le titre du fameux essai de Yasha Mounk, The People vs Democracy2. L'auteur a clairement montré à travers ses enquêtes auprès des jeunes générations, la montée d’un espoir en faveur de l’essai du régime d’un homme fort non démocratique qui pourrait faire mieux.

On connaît sans doute l’Europe du marché, celle de la gestion bureaucratique également, celle du savoir expert, mais quelle clarté a-t-on du projet politique de l’Europe, si gouverner n’est pas gérer ? Comment affirmer contre les populismes de droite et de gauche la nécessité démocratique d’une Europe politique ?

Un expérience vivante : l’acte de parole en politique

Quels chemins s’offrent à nous pour une Europe à la hauteur de ses principes fondateurs ? Réaffirmer sans cesse l’Europe du droit et des valeurs ? Sans doute mais encore ?

La France a inventé la démocratie représentative, la représentation étant la condition de la démocratie (elle transforme les communautés d’individus en égalité citoyenne). Mais cela signifie-t-il pour autant que la démocratie ait à se limiter à la représentation, autrement dit se réduise au fait que des représentants prennent la parole à la place des citoyens, l’Être politique ( les représentants, la Nation) tendant à absorber les citoyens comme êtres physiques. De ce point de vue, la démocratie s’avère toujours en « état de manque » selon l’heureuse expression de Dominique Rousseau. Et la représentation dans son principe de fusion génère toujours ses révoltes et insurrections populaires en mal de démocratie.

Le populisme n’est-il pas à cet égard « le côté obscur de la nécessite de démocratiser davantage » notre république ( notre Europe ? ) comme le propose Blandine Kriegel3 dans sa critique du trop d’état administratif au détriment de la vie démocratique ? La protestation, l’explosion de colère des foules qui envahissent les places publiques sont -elles un incident fâcheux de parcours ou bien un symptôme qui dit l’essence même de la démocratie, en tant que la revendication démocratique fait partie du processus démocratique moderne ?

Il faut relire ici Cicéron dans La République qui distingue et oppose la foule (multitudo) et le peuple (populus) qui « ne se constitue que si sa cohésion est maintenue par un accord sur le droit »4. En clair, le peuple se constitue dans et par la structuration politique. En cela la démocratie est un processus continu dans lequel les citoyens se constituent comme tels en s’associant, de prés ou de loin, à la vie politique. Et il faut remarquer ici qu’en dépit de la défiance à l’endroit du politique, on reste attaché à l’idée démocratique, on reste engagé dans les écoles, les mairies, les circonscriptions, les entreprises, les collectifs informels, les réseaux sociaux. Les forums de nos Ecoles de psychanalyse et plus récemment les forums Zadig sont la preuve vivante de cet attachement à l’esprit démocratique.

Il faut souligner surtout que la démocratie pour se réaliser ne doit pas être « une abstraction mathématique mais une expérience vivante du peuple » pour reprendre le mot de John Dewey. En somme, la démocratie est une affaire d’acte de parole, elle engage les corps parlants. La vie démocratique se réalise au moyen de la conversation continue. A ce titre, elle peut être invention et réinvention permanente. Dans Radicaliser la démocratie, Dominique Rousseau qui milite en faveur de « la démocratie continue » pour une refondation des institutions européennes, accentue la dimension du citoyen comme parlêtre. Il fait remarquer notamment que la révolution de 1789 a consacré la séparation du corps du Roi de celui de la Nation. Mais qu’une fois ce pas réalisé, la représentation en son principe doit maintenir un écart entre le corps des représentants et celui des représentés. La vie démocratique dépend de l’articulation de ces deux espaces institutionnels. Cet écart s’affiche dés les premiers mots de la Déclaration de 1789 : « la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen reconnaît l’existence du corps des citoyens, son impossible absorption par et dans le corps des représentants et la nécessité pour le premier de bénéficier d’une autonomie.(……) le corps des citoyens est posé comme existant indépendamment du corps des représentants et défini par un ensemble de droits et parmi eux par la libre communication des pensées et des opinions qualifiée comme le « droit le plus précieux d l’homme » »5. Quels sont les lieux et les liens qui vont permettre cet écart ? Pas simplement assurer une condition d’être – être citoyen – mais atteindre une manière d’existence – exister comme citoyen, si « exister, ce n’est pas être mais c’est dépendre de l’Autre » (J. Lacan).

Effet de discours, effet de rejet

Les ressources du discours tel que Lacan en a forgé la structure, restent une boussole inégalée pour la psychanalyse, les psychanalystes. En 1967, en même temps qu’il signale la « la remise en question de toutes les structures sociales par les progrès de la science », Lacan construit sa catégorie de discours comme lien social. Le discours structure, organise, institue ce souci européen de faire vivre ensemble des peuples aux histoires différentes.

Mais il a un autre effet que les turbulences de l’actualité révèlent aujourd’hui avec acuité, présence. Est dénudée comme jamais la structure du discours avec ce qu’il contient comme effet essentiel : cet effet est effet de rejet nous dit Lacan. Il le nomme objet a.

« cet objet a (qui) désigne précisément ce qui, des effets de discours, se présente comme le plus opaque, depuis très longtemps méconnu et pourtant essentiel. Il s’agit de l’effet de discours qui est effet de rejet. » (Séminaire XVII, p. 47).

Par delà l’amour ou la haine pour l’Europe, comment accueillir, interpréter, faire une place à l’effet de rejet inhérent au discours qui préside à la vie de l’Europe ? Comme place de rebut dans le discours analytique, les psychanalystes sauront ils mieux y faire avec cet effet de rejet ?

1 https://www.foreignaffairs.com/articles/…/rise-illiberal-democracy,

2 Mounk Y., Le Peuple contre la démocratie, éd. de l’Observatoire, 2018.

3 Cf., Kriegel B., « L’état de droit à l’épreuve de la mondialisation », Mental, 37, p. 119-141.

4 Cicéron, La République, Paris, Gallimard, 1994, p. 45.

5 Rousseau D., Radicaliser la démocratie, Seuil, 2015, p. 49.

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Les suisses vont à la gare, mais ne prennent jamais le train

Michel Soutter-cinéaste

Marlène Belilos

Je suis arrivée en Suisse après être née en Égypte, vécue à Milan, à Monaco. J’étais égyptienne et juive, je me suis retrouvée apatride et athée. 

J’habite en France et me sens européenne.

Mais j’essaie de m’expliquer ce paradoxe suisse.

Pourtant les Suisses par leur situation géographie centrale, mais peut-être à cause de celle-ci, par leur antériorité sur la réflexion européenne, rappelons que Jean Monnet, un des pères de l’Europe, choisit la Suisse en 1978 pour y installer la Fondation Jean Monnet qui existe toujours à Lausanne-Dorigny, les archives de Jacques Delors y furent aussi déposées. Les suisses avaient tout pour être les premiers européens. Jean Monnet au sortir de la guerre pour en éviter une nouvelle estimait qu’il fallait renouer les relations entre la France et l’Allemagne et surtout fonder des institutions supranationales.

Pour ma part, j’écoutais en 1964, déjà, les cours d’Henri Rieben suiveur Monnet et fervent défenseur de la CECA, mon professeur en sciences politiques , j’eus l’occasion de rencontrer Denis de Rougemont, auteur de « l’Amour et l’occident », qui fonda le Centre européen de la culture en 1951. Pour Denis deRougemont , « Il n’y a d’amour » que quand il y a langage, cité par Jacques Lacan, habitant de Genève, il prônait l’Europe de la culture. 

Ainsi la Suisse ne manqua pas de fées européennes qui se penchèrent sur son berceau.

Mais malheureusement si on peut dire, la Suisse pays “démocratique”, découpée en cantons, petite Europe a elle seule possède des institutions” exemplaires “qui aux mains des populistes peuvent se retourner contre elle. Initiatives nombreuses contre l’immigration, l’UDC parti populiste est devenu majoritaire.

C’est ainsi qu’en 1992, le référendum qui militait pour l’entrée de la Suisse non dans l’Europe mais dans l’espace économique européen soutenu par tous les partis, les intellectuels les cantons villes, obtint un retentissant non. Les populistes s’étaient appuyés sur les cantons campagnes. 

La Suisse choisit alors une voie de traverse, les accords bilatéraux, elle a cela en commun avec la Norvège et l’Islande, être dedans et dehors à la fois, pas membre de l’UE mais un statut sur mesure dans l’espace européen. C’est ce statut qui aujourd’hui vole en éclats faute d’une actualisation via un accord cadre .

La libre circulation étant la principale pierre d’achoppement, une libre circulation qui mettrait à mal la politique salariale de la Suisse qui craint de voir un vrai dumping social.

Dedans ou dehors, la Suisse doit choisir.

La neutralité de la Suisse fait d’elle une nation à part, et aujourd’hui alors que la réalité économique lui dicterait sinon une entrée dans l’union,mais au moins de conserver un statut lié à l’union, elle tergiverse.

Il est vrai que son statut à part lui a offert bien des avantages, notamment ses exportations vers l’Europe. 

Mais la Suisse veut continuer avec son statut privilégié, l’Angleterre et son Brexit ne lui laisse plus le choix. 

L’Europe ne peut se permettre cette “exception “.

Alors? Va-t-elle se contenter d’être le dommage collatéral du Brexit? Préfigurer le sort de l’Europe victime des populistes.

Elle a été le modèle e l’Europe par excellence. Cette idée de modèle suisse se retrouve dans d'autres écrits de Richard Nicklaus de Coudenhove-Kalergi, ce prix Nobel soutenu par Freud, et cité par Antoni Vicens.

Elle risque de devenir après l’Angleterre l’exemple de la non-Europe de demain.

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Adresse: Aula Magna dell’Università Statale via Festa del Perdono 7, Milano

Date: Samedi 16 février 2019

Heure: de 9 h à 18 h 30

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La mort des "alouettes", prises dans le miroir des Narcissismes Actuels, des petites différences

Inma Guignard-Luz

Pendant des siècles, les guerres, grandes, petites ou locales, semblent avoir pu fonctionner, comme symptôme-sinthome, soutient d'un certain mirage narcissique Imaginaire-Symbolique; il semblerait qu'elles parvenaient illusoirement, pour un certain temps, à refouler ou forclore le réel des liens, tant sociaux, que particuliers, y compris de chaque sujet avec son corps propre;

Aujourd'hui, La pseudo logique, aujourd'hui dominante, par le pseudo Discours Capitaliste, d'accès illusoire à ce réel existant, hors limites imaginaire-symboliques, vient rabattre les cartes, tout en ré-faisant les jeux pour tenter la même issue; ceci en misant sur la récupération et rentabilité de ce qui échappe à tout lien social, ce hors limites, en l'incluant à l'intérieur du système.

Un jeu où l'illimité pouvoir de production capitaliste de biens de consommation et de savoirs, sous tend le prix d'un certain deal dans le marché des échanges.

Soutient de la main de fer du "Marché", dans la lutte à mort d’États et Sociétés locales, contre des boucs émissaires marginalisés officiant comme entorses aux aspirations subjectivées de consommateurs homogènes et triomphants. Embarquement du monde d'aujourd'hui, dans ce Grand combat du narcissisme des petites différences qui empiètent dans la lutte à mort imaginaire-symbolique de ce "se reconnaitre soi-même dans l'Autre".

Jeu macabre où, cette fois, l’illimité de la mort est, croit-on, assuré, repris, recyclé dans le propre au système dominant.

Les morts prévisibles et comptabilisés", qu’entretient aussi bien l'industrie de l'armement, de la reconstruction avec ses médiateurs et coachings de tout bord, sont aujourd'hui aussi "prévisibles", que "gérables"les campements où on les entrepose au mot d'ordre: "où ils consentent au retour aux homogénéités de culture, race, classe sociale, rang sociaux-économique, pays, langue, ou… qu'ils crèvent!!


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De la Oda a la alegría a la Política del sinthome

Eugenia Varela

La caída del muro de Berlín el 9 de noviembre de 1989 se vivió con una gran alegría por todo Europa y en el mundo, como símbolo de la caída del poder de los soviets y de la reunificación de Alemania, homenaje a quienes lucharon contra este muro de la infamia, acto que puso fin a la guerra fría donde resurgieron debates sobre los derechos humanos y la democracia a lo largo y ancho de los países democráticos y de los países del otro lado de la cortina de hierro. A la celebración asistieron músicos notables, el director Leonard Bernstein cambió la letra de la Oda a la alegría(Freude) por la Oda a la libertad( Freiheit) de la 9ª sinfonía de Beethoven, cantada y tocada por músicos de Alemania, Francia, Usa, Inglaterra y Rusia; el violonchelista Mstislav Rostropovich, en plena caída del muro, tocó la Zarabanda de la 2ª suite de Johann Sebastian Bach, la caída del muro de Pink Floyd fue escenificada en un megaconcierto por músicos destacados de habla inglesa. Con el discurso político de la globalización surge entonces un nuevo ser hablante, discurso que es interpretado por la burocracia europea no solo en beneficio del gran debate sobre los derechos humanos y la lucha contra los racismos, sino que paradójicamente se elige, por el sistema neo-capitalista en conjunción con la ciencia, un conjunto de practicas de control y de gestión de los individuos para estabilizar el nuevo orden geopolítico donde los individuos pasan de su estatuto de sujetos al de ser unas cosas evaluadas a partir de normas colectivas donde la exigencia de transparencia, evaluación y control, ataca las libertades individuales y el derecho al secreto. 

La construcción de Europa, más allá de la función del mercado común, entra así en ese mercado de valores que calcula como administrar la vida, aplicando protocolos, estadísticas y programas de prevención y de despistaje, para incluir en los intersticios del tejido social las categorías de la Sociedad Americana de Psiquiatría que hacen del sufrimiento humano una enfermedad, lo que deja como efecto, el retorno de lo real traumático de las guerras y del nazismo, bajo los discursos políticos de la segregación y los nacionalismos. Una política-administrativa se implanta provocando un cambio profundo en los cuerpos, el inconsciente y el lenguaje de los seres hablantes a partir de esta versión patológica de la política como si la sociedad fuera un gran hospital, donde hay enfermedades para tratar. Esta versión clínica de la política son las técnicas de adaptación y de adiestramiento de las técnicas cognitivas-comportamentales. No es de extrañar que los políticos hayan perdido credibilidad y autoridad, puesto que, si los individuos son considerados a través del filtro de la sospecha y sin cesar tengan que producir un significante amo de la evaluación para el bien de las empresas o de la humanidad, el lazo discursivo que sostiene la relación del deseo inconsciente con los objetos pulsionales del cuerpo del ser hablante se rompe, dejando a los individuos a la deriva bajo los efectos del goce sin límites que no pasa mas por la palabra y el discurso. La voz y el decir de los sujetos se hace escuchar en las manifestaciones por los derechos sustraídos puesto que hay una falla estructural que no puede ser alcanzada por la cuantificación. 

En el siglo XX la categoría de la existencia, puesta en primer plano por los escritores y filósofos de l’après-guerre y por el psicoanálisis con Freud y Lacan, fue transformada por los administradores haciendo pasar la existencia, al plano de la biología. Foucault dice “Si el genocidio es el sueño de los poderes modernos, no es por causa del retorno del viejo deseo de matar. El es debido al hecho que el poder reside y se ejerce a nivel de la vida, de la especie, de la raza y de los fenómenos masivos de población (…) Se trata de una época donde los rituales que rodeaban la muerte han desaparecido, la muerte parece no tener ninguna importancia, porque el poder se ejerce a nivel de la vida (…) Es la primera vez en la historia que lo biológico de la vida pasa bajo el poder administrativo”. El nuevo paradigma biológico de la ciencia aborda el cuerpo de los seres hablantes como una máquina donde el viviente es el soporte de procesos donde se excluye de entrada el cuerpo hablante, la interrogación de su deseo y del goce inconsciente que lo habita, para dar paso a exámenes IRM que vienen para encontrar el lugar de la locura en el cerebro, la intervención del código genético para control de la natalidad y la purificación racial, la cirugía y tratamiento farmacológico para cambiar el sexo, la producción de medicamentos a gran escala para cada nueva enfermedad del DSM5 , los estudios de la actividad cerebral y las técnicas cognitivas herederos de la antigua frenología se plantean en oposición al psicoanálisis y a la causalidad psíquica acabando con la libertad de decir, con la memoria y el lenguaje, se comercializa a gran escala la venta e implantación de órganos y para terminar esta lista que podría extenderse dada la fragmentación del cuerpo, se proclama el derecho a la eutanasia, y la administración se interesa en el calculo de la duración de su vida. El hombre de la modernidad encuentra en la política la puesta en cuestión de su ser viviente, el discurso del derecho concerniente a los cuerpos se presenta como una ley que distribuye el viviente según los criterios de utilidad y de valor predominantes en el mercado. El poder en algunos estados de Europa en este siglo XXI es alcanzado por movimientos fascistas y líderes autoritarios que fundan su fuerza en oligarquías mafiosas y racistas constituyéndose en una real amenaza para los derechos fundamentales de los ciudadanos. Las libertades de desplazamiento entre las fronteras, de hacer escuchar su palabra ya sea oral o escrita, de reunión y opinión política, de elección sexual y de estado civil, de libre disposición de sus cuerpos y de derecho al aborto para las mujeres, son derechos fundamentales socavados en estos regímenes autoritarios que quisieran afianzar la situación política de fragilidad de la sociedad y de sus estados, con la propaganda que difunde el retorno a la intimidación y a la intolerancia contra los que sean diferentes , al miedo y odio contra los extranjeros, manipulando y despertando así las pasiones mas innobles entre los que se sienten dejados a un lado en la carrera loca del consumo y del acceso a lo que se considera privilegios en una sociedad. 

La cuestión de Lacan sobre la Cosa freudiana, la substancia del goce imposible de decir se mantiene viva en el campo de la Ética donde se requiere ir más allá o mas acá del sujeto del inconsciente, pues el sujeto hablante no es la cadena significante, tampoco es el lugar de los afectos, no hay manera de abordarla ni por el amor ni por el odio, la angustia es una señal, pero no es la Cosa, ella tiene que ver con el más allá del Principio del placer, es la mala voluntad. El psicoanálisis de la orientación lacaniana es una práctica sin valor no sujetada a la tradición ni a los valores morales de la civilización puesto que el cuerpo en la experiencia analítica separa por el acto del analista, los ideales que han alienado al ser hablante del objeto pequeño a plus de gozar, para extraer las marcas de lo real del goce y encontrar otra manera de hacer con éstas. El declive de la función del Nombre-del-Padre ha abierto la vía a nuevos modos de goce y a múltiples respuestas a través de semblantes con los cuales abordar los enigmas de la vida sexual y de la vida, introduciéndose un cambio radical en la transmisión entre las generaciones en nombre de la ciencia. 

Ni la nostalgia, ni el apocalipsis orientan el acto del analista que debe haber atravesado el fantasma fálico que le da una mirada sobre la realidad a partir de un orden que no existe más. Para enfrentar las consecuencias del Discurso del amo contemporáneo se requiere, caso por caso, aislar los objetos de goce pulsionales del cuerpo que sostienen el fantasma, el objeto de mira del acto analítico es este objeto pequeño a para vaciarlo, con su presencia silenciosa y la interpretación fuera de sentido que juega con los equívocos de la lalengua, única vía de tener acceso al cuerpo que se goza de la marca que lo traumatiza, lo cual incita al ser hablante a inventarse nuevas maneras de hacer con lo real. La política del síntoma es también una batalla por la democracia, a la cual llegamos por el tratamiento del amor de transferencia que nos vuelve efectivo un amor mas digno y un lazo social que vuelve indispensable la presencia y el decir en los asuntos de la política a nivel social. 

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Raíces del odio

Oscar Ventura

Difícil contradecir que asistimos a un momento inquietante del estado de la civilización en su conjunto. Y obviamente Europa no está exenta de las turbulencias que pueden hacer bascular su destino inmediato. Son plurales y diversas las voces que alertan sobre el peligro que se cierne sobre las democracias, sobre el conjunto de los derechos civiles conquistados, sobre la dignidad misma del sujeto que habita en cada uno. 

Lo que resiste del mundo intelectual, la opinión ilustrada que aún conservan algunos países, el aparato crítico que sobrevive, heterogéneo sin duda, transmite una enunciación pesimista del porvenir, una inquietud legítima por el destino inmediato del lazo social y sus formas de regulación. 

La amenaza tiene nombres propios, tanto simbólicos como encarnados. El discurso político se esfuerza por llamarla ultraderecha, para enmarcar dentro del campo ideológico al discurso del odio que se multiplica, sin encontrar fórmulas efectivas de amortiguarlo, ni de detener su deriva. El significante neo fascismo, opaco y difícil de darle una significación que pudiera definirlo con cierta precisión, ocupa también un lugar privilegiado de los análisis. 

Con frecuencia se despliega el argumento de que las coyunturas políticas actuales europeas son homologables a la de los años treinta del siglo XX. Y no se puede negar que una serie de acontecimientos ofrecen consistencia a estos argumentos. El retorno de los nacionalismos que se encarna en el surgimiento de líderes llamados populistas, la violencia cada vez más frecuente, ejecutada por los aparatos represivos de los estados, al amparo muchas veces de una dudosa consistencia jurídica. Más un elemento clave que se materializa en el rechazo de las diferencias, organizan un discurso que vaticina el comienzo de una nueva forma de totalitarismo. 

En fin, las voces de denuncia se multiplican. Y dan cuenta de la impotencia de las democracias para desactivar los mecanismos que han desencadenado la deriva autoritaria. No obstante se insiste en que el antídoto contra el odio podría ser neutralizado por la democracia misma, como si la enorme crisis de confianza que atraviesa el lazo social mantuviera al significante democracia a distancia, como si fuera inmune a la caída generalizada de los semblantes. 

Resulta evidente -y no es algo nuevo- la degradación a que el significante democracia está sometido. Porque en realidad todos estos acontecimientos de generalización del odio se juegan en su propio marco. Y con frecuencia en su nombre propio. Creo que es lícito preguntarse si no ha llegado el momento de hacer el duelo definitivo por las formas de democracias representativas. La política, hace tiempo ha dejado de ser un factor real de poder, en beneficio de convertirse en una burocracia fagocitada por la lógica circular del discurso capitalista. Y este es el real de la época. Ubicarlo con precisión permita, tal vez, la oportunidad de agujerarlo. 

Es curioso verificar la vertiginosidad con que las conquistas que se han ejecutado a partir de una enunciación política que ponía en primer plano lo común, el ciudadano, la subjetivación de la alteridad como ejercicio de una política orientada, se diluyen o son seriamente cuestionadas y deberían ser rectificadas o abolidas. Es desde el corazón mismo de las democracias que brota el discurso del odio. Y no hay amor que pueda neutralizarlo. Los velos que la democracia podía tejer en beneficio de neutralizar la potencia de la pulsión de muerte están desgarrados. Y lo que se impone es un discurso sin complejos y sin piedad ninguna. La proliferación del cínico y del canalla son los efectos de una destitución salvaje del Otro. De una operación discursiva que clausura los tiempos de comprender. El peligro que se cierne, es que el odio suture los agujeros donde escribir la letra de una contra-experiencia. Aquí reside el desafío. 

Europa corre el riesgo de entregarse a la experiencia del olvido ciego de lo que significó su traumatismo contemporáneo , su agujero radical que se encarna en la experiencia de la Shoah, esa coagulación inédita de la pulsión de muerte que allí se fija. Hay un antes y un después de la historia de la humanidad después de eso. 

Sus réplicas a escala planetaria no han podido ser reguladas por las democracias construidas en la posguerra, a lo sumo las han externalizado, -como quien pretende ahuyentar sus propios sueños-. Cuando no consentido y apoyado, la inercia puesta en juego de este real sin ley no cesa de escribirse. Y hoy, bajo coordenadas diferentes vemos emerger la potencia destructora que anidaba en el huevo de la serpiente. 

Cualquier contra-experiencia contra el odio no puede dejar de tener en cuenta que las democracias de las posguerra están atravesadas por este agujero, una verdadera aspiradora. 

Los procesos de segregación son imposibles de regular sino se consigue una subjetivación posible de su causa. El rechazo de la alteridad, se fije donde se fije en el lazo social es el fundamento de la cuestión. Y su tratamiento no concibe un cierre sin restos, la potencia y la magnitud de goce que vehiculizan no se desactiva. 

Por ello cualquier contra-experiencia democrática, si podemos decirlo así, no puede dejar de bordear este real que se impone. No se trata de construir un destino, sino mas bien de agujerear la teleología, de ir a contrapelo de las causas finales y sus soluciones. 

El lazo social no está orientado por la representatividad de las burocracias políticas, sus semblantes están diluidos. Más bien son las demandas heterogéneas y plurales que pueden objetar el empuje a lo peor, se trata de como hacer para perpetuar en el tiempo espacios de poder. Estando advertidos de que ninguna estabilización en la que se pueda pensar nos es más que transitoria. 

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Hate in the time of ignorance 

Bogdan Wolf

Hate and love run deep in the European psyche. If we place them on the Moebius strip, as Lacan did, we will see before eyes perhaps the best-known paradox of how I love you becomes I hate you. Passions turn, fluctuate, intensify. But how do they differ, and which one comes first? Is the newly-born infant’s cry that of love or of hate, a sign of powerlessness or of independence? Lacan did not approach passions as a historical development, starting with an origin. The experience of speech shows that the distance of origin is interwoven with the proximity of the immanent real. Lacan made his wager on the passions of the speaking body. The real unconscious that does not want to know a thing about it. It says what in saying is not said – a cry of the real. Passions do not lie. They carry the vociferousness of our being, what cannot be transmitted other than as semblant. To this extent love and hate differ. It is in this context that we encounter the immigrant, the foreigner, the new terms for the Nebenmensch.

To demonstrate the logic of the encounter with the alien Other, Lacan introduced another passion that surprised us. In what way is ignorance a passion? He evoked Empedocles who is said to have claimed that God’s ignorance is so great that he cannot even hate1. But since he cannot hate, he is unable to love either. It appears that at the beginning was ignorance. Much later Christianity translated ignorance into unconditional love. It was a good translation except that love got lost in it. The God of Empedocles was the ignorant God, unable to love and hate. Lacan took it up in his logic of sexuation and wrote this ignorant, impotent Other as the barred Other, (A/ ). The only speaking being who has access to the barred Other is the woman in so far as she is not whole. A woman can be drawn to the ignorant, agnostic man to light up in him the passion of lovehate, hainamoration, and she usually succeeds. In this she is more at home with her jouissancethan the man. 

We can situate the coming of immigrants to Europe, and the emergence of hate towards them, starting with the passion of ignorance. The immigrants who come from outside Europe bring with them the mystery of language we do not understand. They bring pleasures of the body that awaken in us the incomprehensible foreigner. The ignorant Other of Europe today is the immigrant who is greeted with hate because he does not know and does not have to know anything that is familiar to me. In short, the immigrant does not have to participate in the subject’s modality of jouissance. He is thus desupposed of knowledge – Lacan’s formula of hate – of “our” mother tongue, and the non-participation in “our” world makes him a hated figure and a threat to “our life style”. 

Lacan grappled with the conundrum of the Other that does not know and found in ignorance the analyst’s passion. Only psychoanalyst can make an alliance with the incomprehensible foreigner. The unconscious of Empedocles did not help to answer the mystery of language. His trace was lost until someone found his sandal at the foothill of Etna. It was concluded the philosopher fell into the hole. This also happened to Lacan. When staying once in a London hotel, he was told by his wife that a certain colleague, professor D., was there too. How did she know about it? She saw his shoes. It’s an amusing story. It also shows us that whether the signifier is of absence or presence, the unconscious from which truth is derived does not tell us which one. 

Let’s say that between these undetermined signifiers, there exists at least one that hates. This was the Freudian way of speaking about that internally excluded real of das Ding to which Freud gave the name Nebenmensch – my neighbour. The question raised by Lacan, and so pertinent in the last few years in the UK and of what looks like the eternal end-game of Brexit, is whether the foreign, immigrant Other reciprocates hate. Lacan spoke of love as requited, but this is not the case with hate. It stands all alone, drawing its intensity from the degrees of desupposition of the Other of knowledge. But hate serves us well to cover up what we could call the fundamental passion of the subject who is all so eager to hate in order to deny that of ignorance or of welcoming the Other as speaking, i.e. as desiring. 

The immigrant in Europe today is in the position of the negative of the Christian theology. The immigrants are not here to love us, of course. So, what do the immigrants want? I see no other way of posing this question than at the level of desire that responds to the mystery of language of the speaking body: If the Other as desiring is here to remind us of the profound ambiguity of ignorance, which is one of the modalities of silence, we are merely reminded, as we have been for thousands of years, that the way to respond and to mobilise desire would be first to let the object I once was for my Other drop. That the real of passion left from this operation can assume the position of a semblant evidently shows hate as unreciprocated. The formula would be: I hate you because you don’t tell me why. In effect, the satisfaction drawn from the refusal of castration can easily propel the subject to fantasy of being the object of hate. For many political figures of the right today, there is perhaps nothing more unbearable than to fail to cause the Other’s desire. Ultimately, hate is a failure to cause desire. Hence the recourse to the desupposition of the immigrant. I hate him for his ignorance, and for the pleasures of his speaking body that escapes me and leaves me anxious. But I hate me even more because of it. From the hate of the Other to self-hate then. In effect, in the political scene in Europe today, and by way of projection, hate becomes attributed to the Other, to the foreigner as the bearer of negative theology I mentioned earlier. Starting with the desupposition we are thus led back to the speaking body and to the failure to cause desire which is a failure of mourning of love lost. This would be, as far as the political discourse today is concerned, one of the causes of the fascist renaissance, of the return of the unstoppable traumatic real. 

We are all ignoranti. If Lacan’s lesson on the passion of ignorance teaches us anything today, it is that the speaking body does not tell the immigrant from the native, the exile from the remainer except for the impossible to know. We are suddenly catapulted back to the Empedoclean dilemma: How to love the one who ignores me? 

1 J. Lacan, On Feminine Sexuality. The Limits of Love and Knowledge, Seminar XX, 1972-73, trans. B. Fink, Norton, 1998, p. 91.

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Indirizzo: Aula Magna dell’Università Statale via Festa del Perdono 7, Milano

Traduzione simultanea in inglese, francese, spagnolo e italiano.

Data: Sabato 16 febbraio 2019

Orario: 9.00h -18.30h

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