Contre le projet de loi sur les professions de la santé mentale !
—– "Le bien dire vaincra" —–
Perspective d’avenir ? Un bond en arrière dangereux
de 116 ans !
Maggie de Block, Ministre
fédérale de la Santé publique, s’apprête à faire réviser fondamentalement la
loi sur la psychothérapie à peine votée sous la législature précédente. Cette
loi avait reçu l’aval de l’ensemble du secteur des thérapies du soin en santé
mentale. Le projet revient ni plus ni moins à éradiquer la variété du champ des
thérapies par la parole, en décrétant par un coup de force la suppression de la
reconnaissance du métier de psychothérapeute, pour en inféoder l’acte,
dorénavant réservé aux médecins et psychologues, aux seules Evidence Based Practice. Logique
importée du contrôle des techniques médicales, elle est parfaitement inadaptée
aux soins relevant du psychisme et de ses symptômes. Appliquée à cette
dimension, elle relève d’une pure idéologie scientiste qui réduit l’être humain
à ses comportements observables et mesurables.
Sans doute Maggie
de Block se moque-t-elle, en déclarant toutes ces thérapies de la parole dépassées.
Elle dit regarder vers l’avenir. C’est un faux-semblant. Ce n’est pas que le vaste
champ ouvert par la découverte de la psychanalyse, et dont les psychothérapies opérant
par la parole et l’écoute procèdent – tout en ayant produit toutes sortes
d’ersatz et de contrefaçons – soit dépassé. Maggie de Block, son cabinet et le
lobbying qui l’influence, veulent tout simplement par leur action en revenir aux
temps d’avant sa découverte !
Freud était
médecin. Il est entré dans l’histoire et a inventé la psychanalyse en arrachant
le symptôme psychique de la sphère scientiste et médicale, parce qu’il avait
justement découvert qu’il excède toujours et ne relève jamais du comportement
observable et mesurable. Qu’il est toujours autre à ce qu’il présente – surdéterminé par d’autres facteurs, s’exprimait-il. Et qu’en cette matière, le
regard du médical ne voyait rien, sinon au mieux, comme dans le cas des
hystériques, une simulation. D’ailleurs, nous y sommes déjà revenus dans les
sphères qui se sont totalement affranchies du savoir et de la pratique rare et
si exigeante de la psychanalyse même. En témoigne par exemple, dans la psychiatrie
d’aujourd’hui qui a vendu son savoir classique au seul neuro-biologisme, le
diagnostic abracadabrantesque de pervers
narcissique manipulateur qui, avec le syndrome dit autistique, est en passe
de recouvrir quasi l’ensemble du champ psychopathologique et, par le même coup, le détruit.
Ce qui sera
présenté à l’opinion comme une avancée majeure et inédite, sous couvert d’un
accès généralisé aux remboursements des soins d’aide psychologique, constituera
en fait une régression majeure et dangereuse.
Là aussi, il y a un
au-delà pour l’instant gardé non visible. Ce qui y est à l’œuvre, c’est une
mise en coupe des soins de santé mentale au profit de sa seule approche comportementaliste
dirigiste. Elle empêchera la liberté de choix du patient du type de soins
auquel il voudra recourir. Il inféodera l’aide psychologique au seul contrôle social,
déterminant des circuits de soins obligatoires et rapides, dont le patient sera
exclu et bien entendu privé de ses subventions et assurances d’aide sociale, quand
il ne répondra pas à la technique. C’est déjà l’horizon, dans le secteur de la
santé tout court, de ceci : vous fumez ? Alors plus de
remboursement des soins et de couverture des invalidités pulmonaires. Et cetera. Or, le symptôme psychique,
c’est justement ce qui est produit par le refus de la conformité à une norme. Eh
oui ! le symptôme psychique, c’est le signe d’une rébellion du Ça contre le Surmoi. Tout le monde sait cela depuis Freud.
Nous nous opposons
à cette dérive scientiste qui n’approche l’être humain que dans une dimension
qui vise toujours plus à ajuster sa vie et ses conduites, fut-ce pour son bien,
à une norme qui n’existe pas – celle toujours définie par le Maître.
Cette dérive est
l’équivalent de celle qui vise à réduire l’acte médical à une pure technique
protocolisée sans âme, de celle qui se donne pour objectif de codifier l’art,
de celle qui se voudrait de réduire la littérature à un enseignement de
techniques d’écriture, de celle qui rêve de réduire l’esprit de la loi à sa
lettre, l’amour à sa chimie moléculaire, de celles qui viseraient à contrôler
les passions de l’âme, de la politique et des opinions.
La psychanalyse,
comme discours et expérience, porte en son cœur la garantie de l’opposition à
cette dérive. Celle qui vise, in fine,
à réduire le féminin à la norme mâle (Jacques
Lacan).
Chère Maggie de
Block, ce que vous ne voyez pas, c’est qu’il est fort imprudent de légiférer en
ces matières, en faisant fi du savoir des spécialistes de la si mystérieuse
psyché. Nos sociétés, et donc le politique, en payeront cher le prix. Elles et
il devront en assumer les conséquences. Elles sont déjà à notre porte, que
dis-je, dans la maison ! Vous pensez encadrer et promouvoir la guérison
psychique. Vous verrez, en rendant la vie impossible aux psychothérapeutes et
au tissu compassionnel dont ils assurent, de façon non réglementée et en dehors
du regard évaluateur, l’éminente fonction sociale, ressurgir comme par magie des
pathologies disparues, du style des épidémies hystériques, des radicalisations
et des rebellions sociales insoupçonnées, la prolifération des sectes, sorciers
et gourous en tout genre, échappant aux velléités universalistes du contrôle d’évaluation
bureaucratique. Ils seront, tel Frankenstein, la bête que vous aurez ni plus ni
moins contribué, serve d’un discours qui vous dépasse, à engendrer.
Yves Vanderveken
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