Moments de crise – Vers le congrès de la NLS – Dominique Holvoet







 

Vers
le congrès de
la NLS
 
Moments de crise
Genève, 
9
et 10 mai 2015
 
 
 
Nous
relayons le
texte de
l’intervention
de Dominique
Holvoet au

Kring voor
psychoanalyse
van de NLS le
4/10/2014.
NLS-Messager
 
 

 

Symptômes
de crise,
crise du
symptôme

Dominique
Holvoet

 

“L’avenir
de la
psychanalyse
dépend de ce
qu’il
adviendra du
réel”

 

C’est
une tâche
ardue à
laquelle nous
invite Gil
Caroz avec ce
beau titre «
Moments de
crises » qui
annonce le
prochain
congrès de la
NLS à Genève1.  Tâche
ardue, car la
psychanalyse
est toute
entière
plongée dans
la dimension
de la crise,
elle est même
amie de la
crise,
disait-il.
Yves
Vanderveken
déclarait à
Athènes en
septembre que
« la
psychanalyse
est affine de
la crise et du
réel ».
 

 

C’est la
crise !

Certes
dans « notre
monde » –
expression à
problématiser
car
précisément
y-a-t-il «
notre monde »
– disons dans
cet immonde
pour reprendre
le jeu de mot
de Lacan dans
la
Troisième

– il ne se
passe pas un
jour sans que
le mot « crise
» ne soit à
l’avant plan
des médias.
Crise
économique
pour certains,
crise de
l’intégration
pour d’autres,
David Pujadas
avait fort à
faire dans un
débat télévisé
de la rentrée
entre
politologues
et philosophes
sur une chaîne
française.
Tous tentaient
d’échapper à
la question du
journaliste
qui leur
demandait :  «
Croyez-vous
que les
politiques
soient
impuissants à
modifier le
réel ? » Pour
notre part
nous suivrons
ce que le
Président de
la NLS suggère
pour les
psychanalystes
: qu’ils
interprètent
ce réel dont
la crise est
un des noms.
C’est ce à
quoi je vais
essayer de
contribuer
aujourd’hui à
Gand.

 

Ce qu’on
appelle
aujourd’hui «
crise »
déborde le Malaise
dans la
civilisation

articulé par
Freud en 1929.
Crise est un
terme qui nous
vient de la
médecine. Il
provient du
latin médical
crisis
et désignait
une phase
décisive d’une
maladie2.
  C’est
piquant de
constater que
le terme
aujourd’hui
abondamment
utilisé pour
désigner une
perturbation
brusque d’un
équilibre
social ou
économique
provient de la
médecine,
c’est-à-dire
nous vient de
ce qui
concerne le
corps et ses
états.  Le
tour que nous
ferons
aujourd’hui se
bouclera
nécessairement
sur le corps –
puisqu’il va
s’agir du
symptôme.

 

L’argument
écrit par Gil
Caroz nous
oriente
précisément
vers ceci : il
s’agit
d’interroger
la fonction de
la crise dans
l’expérience
analytique
en
confrontation
avec
l’hypermodernité.   La
crise est un
des noms du
réel,  le
signifiant est
répété dans
les médias, il
pullule dans
le monde, «
crise, crise,
crise »
disait-il.
Vous savez
qu’un
signifiant
répété un
certain nombre
de fois fini
par perdre sa
valeur
sémantique
pour n’être
plus qu’un
phonème
désarticulé.
Si donc la
Crise est un
des noms du
réel, on peut
soutenir que
c’est même le
signe d’une
impasse à
nommer le Réel
en jeu dans
l’hypermodernité.
D’ailleurs de
quoi s’agit-il
quand on parle
d’hypermodernité.
Je vais
prendre trois
références
qu’a eu
l’amabilité de
me transmettre
Lieven
Jonckheere
pour approcher
ce terme.

 

L’hypermodernité

Pour
Nicole Aubert,
qui est
Docteur en
Sciences des
Organisations
à Paris, ce
qui
caractérise
notre époque
hypermoderne
c’est le culte
de l’urgence,
titre de son
dernier
ouvrage3.
Selon
l’auteure,
l’urgence et
l’instantanéité
sont les
maîtres mots
de
l’hypermodernité.
La cause est
située à la
fois du côté
de la
globalisation
économique
mais aussi des
avancées de la
technique, au
croisement
donc de deux
discours,
celui du
capitalisme et
celui du
discours de la
science. Face
à ce culte de
l’urgence le
sujet oscille
entre
jouissance et
épuisement.
Pour Nicole
Aubert il y a
un retour du
refoulé
qu’elle nomme
précisément «
crise » et qui
indiquerait un
effondrement
brutal du
culte de
l’urgence et
de
l’instantané.
L’homme
hypermoderne
serait-il
donc, se
demande-t-elle,
un homme sans
avenir, qui
aurait
remplacé la
quête
d’éternité par
la quête
d’instantanéité
?4
 

 

Une
fausse urgence

Ce que
nous
apercevons de
notre
strapontin
analytique
c’est à quel
point
l’urgence en
question est
fondamentalement
une fausse
urgence, une
course en
avant pour
échapper, non
pas à ce que
nous ne
pourrons
atteindre,
mais plutôt
pour échapper
à la vérité de
ce qui nous
cause, à la
vacuité même
de cette
vérité
pluralisée,
voire
pulvérisée
dans le monde
hypermoderne.

 

Quelle
est cette
cause ? Dans
la
psychanalyse
nous
n’attribuons
donc pas la
dépression
généralisée
dans le monde
à un
épuisement
d’une activité
jouissive
intense.  Pour
nous cette
activité de
jouissance est
le retour dans
le réel de ce
qui est rejeté
de l’être, du
fait qu’il
parle.  Lacan
corrige le
cogito  en
disant :  «
Je pense donc
se jouit »,
c’est ce qu’il
propose dans La
troisième
.
Qu’est-ce que
ça dit :
 

1.       Le « je
» est aliéné à
un « savoir
constitué […]
de son
insertion dans
le discours où
il est né »5,
c’est-à-dire
aliéné au
discours du
maître.
 

2.       Mais le
sujet n’a
qu’un
signifiant
pour le
représenter
auprès de ce
savoir
constitué, ce
qui ne lui
permet pas de
rejoindre son
être. « Je
pense là où je
ne suis pas »
pourrions-nous
dire.

3.       Dès lors
il y a un
savoir
impossible à
rejoindre pour
le sujet,
c’est
l’inconscient.
Le « je suis »
est rejeté et
forclos,
reparaît dans
le réel sous
la forme du «
se jouit ».  Non
pas « je »
jouis bien sûr
car il n’y a
qu’un corps
pour se jouir,
mais « ça »
jouit comme la
trace de la
forclusion de
l’être du fait
qu’il parle lalangue,
du fait qu’il
partage
l’expérience
inconsciente
du groupe.

 

Des
lendemains qui
chantent ?

Je
poursuis ma
revue des
références
sociologiques
et
philosophiques.

 

Le
philosophe
Gilles
Lipovetsky
fait valoir
quant à lui
que l’époque «
postmoderne »
– qui fait
suite à la
Société
disciplinaire
d’avant 1968,
caractérisée
par la rigueur
et le
sacrifice mais
aussi par les
promesses du
progrès – que
donc l’époque
postmoderne se
spécifie d’un
hédonisme
niais et
individualiste
caractérisé
par un
relativisme
puissant (tout
se vaut). Mais
pour lui cette
époque
post-moderne
est révolue :
« les temps se
durcissent à
nouveau (…). A
l’heure où
triomphent les
technologies
génétiques, la
mondialisation
libérale et
les droits de
l’homme, le
label
postmoderne a
pris des rides
» (p. 71).  Ainsi
ce que
l’auteur
appelle
société
hypermoderne
est une forme
de
radicalisation
de la logique
individualiste
de l’époque
dite « post »,
par
l’extension du
modèle de la
consommation à
l’ensemble du
corps social.
Désormais,
tout se
consomme, mais
frénétiquement,
jouir autant
que possible,
« s’éclater »
écrit-il, avec
ce caractère
d’urgence et
d’épuisement
qui rejoint la
thèse de
Nicole Aubert.
 À
cette
accélération
s’ajoute une
préoccupation
pour le futur
qui donne aux
thèses de
Lipovetsky des
accents de
lendemains qui
chantent :
reprise de
l’universalisme
des droits de
l’homme et des
valeurs
démocratiques
ou regain des
grandes
ambitions dans
le champ des
technosciences.
L’auteur dit
percevoir dans
l’époque
hypermoderne
un
réinvestissement
des valeurs et
du sens. Tout
ce qui avait
été mis à mal
par le
postmodernisme
iconoclaste,
encore appeler
« ère du
soupçon » se
trouverait
aujourd’hui,
dans
l’hypermodernité,
porteur de
promesses
d’avenir
meilleur.

 

Dans son
interview
contemporaine
de La
troisième
,
publié par J-A
Miller sous le
titre « Le
triomphe de la
religion »,
Lacan fait
valoir ce
retour du
sens,
inévitable,
qu’il prédit
revenir sous
la forme du
religieux qui
va secréter du
sens de façon
puissante,
retour du sens
rendu
nécessaire par
l’inconnu
généré par les
innovations
extraordinaires
de la science.
Je cite Lacan
: « La
science, c’est
du nouveau, et
elle
introduira des
tas de choses
bouleversantes
dans la vie de
chacun. Or la
religion,
surtout la
vraie, a des
ressources que
l’on ne peut
même pas
soupçonner.
[…]Il va
falloir qu’à
tous les
bouleversements
que la science
va introduire,
ils donnent un
sens. […]
Depuis le
commencement,
tout ce qui
est religion
consiste à
donner un sens
aux choses qui
étaient
autrefois les
choses
naturelles. Ce
n’est pas
parce que les
choses vont
devenir moins
naturelles,
grâce au réel,
que l’on va
cesser pour
autant de
sécréter le
sens. »

 

L’époque
de la
psychanalyse,
un moment
privilégié

La
psychanalyse
cependant n’a
pas pour
destin de
devenir une
religion. La
religion est
faite, dit-il
à la fin de
l’interview,
pour que les
hommes ne
s’aperçoivent
pas de ce qui
ne va pas. La
psychanalyse
elle, est
insérée entre
deux mondes.
Avec la
psychanalyse
nous
connaissons un
moment
privilégié «
pendant lequel
on aura eu une
assez juste
mesure de ce
que c’est que
[…] le
parlêtre6 – et
il précise que
le parlêtre
est pour lui
un terme plus
adéquat pour
exprimer
l’inconscient.
 Lacan
ne donne donc
pas dans les
promesses
d’avenir
meilleur, mais
pas plus que
dans la
dramatisation
d’un monde
envahissant,
agressif et
obsédant. Il
interprète ce
monde. Il
énonce alors
de façon
étonnante, je
le cite, qu’on
« doit pouvoir
s’habituer au
réel » en
précisant que
« le symptôme
ce n’est pas
encore
vraiment le
réel. C’est la
manifestation
du réel à
notre niveau
d’êtres
vivants. Comme
êtres vivants,
nous sommes
rangés, mordus
par le
symptôme »7. Dès
lors à 30 ans
d’intervalle,
alors que dans
les
Complexes
familiaux

ils nous
invitaient à
ne pas nous
affliger du
passé révolu,
du déclin des
idéaux
paternalistes,
de même en
1974 il
suggère de ne
pas contribuer
à la
dramatisation
des médias (il
répond à un
journaliste) –
« je ne suis
pas, lui
répond-t-il,
parmi les
alarmistes ni
parmi les
angoissés »
8

 

Le jouir
et le temps

Pour
fermer ce
dossier des
références
connexes, je
pourrais
encore citer
rapidement
Marc Augé qui
déjà en 1992
parlait de
surmodernité
pour qualifier
notre époque
selon trois
caractéristiques
essentielles :
la
surabondance
événementielle,
que les
historiens
peinent à
interpréter,
la
surabondance
spatiale qui
vise
l’expansion
des
possibilités
de mobilité
tout autant
que la
présence
d’information
provenant du
monde entier
via la
télévision et  enfin
l’individualisation
des références
dont Wikipédia
est un
paradigme
permettant à
chacun
d’interpréter
par lui-même
des
informations
qu’il peut
collecter
largement
plutôt que de
se reposer sur
un sens défini
au niveau d’un
groupe9.

 

L’hypermodernité
marque donc
l’époque du
sceau du «
plus-de-jouir
» hors temps.
Vous savez
combien le
temps de la
science reste
une énigme
pour les
scientifiques
eux-mêmes,
qu’il n’y a
aucune unité
théorique du
temps. Entre
les temps de
la physique
classique, de
la
thermodynamique,
de la
cosmologie et
de la physique
quantique,
aucun étalon
ne peut être
posé. Je cite
Etienne Klein,
physicien
français, qui
écrit que  «
le visage du
temps […]
reste celui
d’un sphinx,
(que) son
essence
demeure
fantomatique,
indécise et
plutôt
disparate »10. On
peut se
demander si le
temps
subjectif –
qui est le
temps du
symptôme – ne
rejoint-il
pas, plus
encore, la
relativité du
temps dans les
sciences,
notamment par
l’introduction
des
technologies
de la
communication
qui  se
proposent de
plus en plus
comme
prothétique au
corps humain,
implémentées
dans la chair
ou comme
organes
complémentaires.
Le téléphone
permettait
déjà la
téléportation
de la voix, le
fax nous
offrait la
simultanéité
de l’écrit,
l’internet
ouvre la
bibliothèque
des savoirs et
des images
comme
télé-réalité
permanente et
globale. Ce
qui fait «
crise-crise-crise
» c’est donc
bien la
dissolution de
la routine
comme le
soulignait Gil
Caroz, liée à
une distorsion
de
l’espace-temps
introduit par
les objets de
la science.

 

Du
gadget de «
l’homme
augmenté » au
symptôme

Nous
retiendrons de
ces travaux
que l’époque
dite
hypermoderne
transforme
l’espace et le
temps de façon
profonde,
donnant à voir
un monde
immédiat et
omniprésent
par une
fenêtre
démultipliée :
télévision,
smartphone,
tablette,
console…
Derrière ces
écrans mettons
en avant leur
valeur, non
plus de
gadgets comme
s’exprimait
Lacan en 69,
mais d’objet
hors corps,
c’est-à-dire
relié au
corps,
complément
aujourd’hui
indispensable
pour la vie
courante,
premiers
organes
complémentaires
de l’homme
augmenté de
demain. Ces
objets
prennent ainsi
valeur d’objet
plus-de-jouir,
et ils
intéressent la
psychanalyse
par la façon
dont ils
feront
finalement
symptômes. Car
ce qu’il y a
de
symptomatique
dans cette
profusion
d’objets c’est
avant tout que
nous en
devenons
esclave,
c’est-à-dire
que nous en
jouissons…
encore.

 

Le
collectif,
matériau du
parlêtre

Ce beau
titre «
moments de
crise »
implique un
lien profond
entre ce que
j’ai appelé «
les symptômes
de crise »,
par exemple
l’angoisse des
savants ou la
dépression de
nos
contemporains,
et « la crise
du symptôme ».
Autrement dit
comment le
symptôme
analytique, en
tant que crise
de la sphère
intime et
comme
manifestation
de
l’inconscient,
est-il impacté
par la crise
dans le monde,
dans le
collectif, la
crise dans la
sphère
politique que
j’ai
développée
dans la
première
partie. Dire «
impacté »
impliquerait
un simple lien
de cause à
effet du
collectif vers
l’individuel.
Mais peut-être
que le
symptôme
analytique est
constitué de
ce matériau
même qu’est le
collectif ?
Dans le thème
de la NLS, il
y a un lien
plus serré
qu’il n’y
paraît entre
collectif et
individuel,
entre le champ
politique et
le champ
inconscient.
C’est une
question que
Jacques-Alain
Miller a
déployée dans
plusieurs
interventions11
autour de la
fondation de
l’Ecole de
psychanalyse
italienne au
début des
années 2000,
c’est-à-dire à
l’entrée dans
le XXIè
siècle. Miller
va soutenir
que pour Lacan
ce n’est pas
la politique
qui se
réduirait à
l’inconscient
mais que ce
que nous
appelons
l’inconscient
c’est la
politique !

 

Qu’est-ce
que cela peut
bien vouloir
dire ? La
psychanalyse
est dans la
politique,
l’inconscient
c’est la
politique, il
n’est pas
ailleurs, il
n’est pas dans
une
extraterritorialité
qui le
tiendrait à
l’abri des
horizons
incertains du
monde ou dans
une
structuration
immuable
inscrite dans
les astres.
Comme je le
rappelais en
introduction,
Gil Caroz nous
propose dans
son argument
d’interroger
la fonction de
la crise dans
l’expérience
analytique
en
confrontation
avec
l’hypermodernité.
Il s’agit donc
de rendre
compte de ce
lien étroit
entre la
politique,
telle qu’elle
se déploie
dans « le
monde », et la
sphère privée,
l’individuel,
l’intime
qu’accueille
la
psychanalyse.
Pour faire ce
lien je suis
parti du
commentaire
que
Jacques-Alain
Miller a
proposé à
Milan en 2002
et qui a été
publié sous le
titre «
D’Intuitions
milanaises »
en deux
parties dans
Mental 11 et
12, ainsi que
d’une
intervention
qui précède
celle de Milan
et qui a été
retenu comme «
la théorie de
Turin »
énoncée en
2000. Ces deux
interventions
ont partie
liée avec la
formation d’un
collectif
analytique, ce
qu’on appelle
une Ecole.
Jacques-Alain
Miller cherche
à préciser la
nature du
collectif à
laquelle
n’échappe pas
l’Ecole et sa
particularité
en tant
qu’Ecole de
psychanalyse.
Ce qui
m’intéresse
pour le propos
d’aujourd’hui
c’est de
saisir en
quoi, « le
collectif
n’est rien que
le sujet de
l’individuel »12
comme
s’exprime
Lacan dans les
Ecrits
et plus encore
de saisir vers
quoi nous mène
la formule
renversée de
Lacan « je
dirais même
‘l’inconscient
c’est la
politique’ ».

 

L’inconscient,
discours du
maître

Il
commente cette
phrase de
Lacan dans la
logique du
fantasme : «
Je ne dis pas
la politique
c’est
l’inconscient
mais
l’inconscient
c’est la
politique ».
La première
partie de la
phrase est
finalement
très
freudienne.
C’est ce que
Freud
développe dans
sa Massenpsychologie
et que le
premier Lacan
 prolonge
en disant que
l’inconscient
c’est le
discours du
maître.  Il
y a un
signifiant
maître, un
point d’Idéal
structuré dans
le champ
social, disons
l’instance
paternelle,
qui permet
l’identification
imaginaire
entre les
semblables et
qui par cet
effet de colle
identificatoire
font masse en
faveur de la
loi du père,
de ce que
Freud nomme
Idéal du moi.
Le collectif
est ici
constitué
d’une
multiplicité
d’individus
qui se
choisissent un
même objet
comme Idéal du
moi. Les
concepts de
référence de
cette thèse
selon laquelle
la politique
peut se saisir
à partir des
liens
inconscients
qui
constituent le
groupe, donc
de dire « la
politique
c’est
l’inconscient
», ce sont
l’identification,
la répression,
la censure et
le
refoulement.

 

L’inconscient
discours de
l’Autre qui
n’existe pas

Mettons
en regard de
cette thèse
que, dans
l’époque qui
dévoile
l’inexistence
de l’Autre, la
crise devient
l’état
permanent de
cette époque –
c’est ce qui
permet de la
qualifier «
d’hyper-», de
« plus-de ».
Ainsi se
révèle que
l’inconscient
comme discours
de l’Autre,
s’appuie sur S
de grand A
barré et c’est
par là que
l’inconscient
c’est la
politique.
L’inconscient
est constitué
par
l’expérience
inconsciente
d’un groupe.
La politique
est, en ce
sens, non plus
un S1 « unien
», mais le
lieu d’une
fracture de la
vérité (Marcel
Gauchet, cité
par J.-A.
Miller) et
l’inconscient
se révèle être
cette autre
scène où le
sujet fait
l’expérience
que la vérité
n’est pas Une.
On voit alors
que les
totalitarismes
ne sont qu’une
tentative –
certes
terrible – de
restaurer le
Un de la
vérité,
conformément à
la théorie
freudienne de
la Massenpsychologie.
Et à l’inverse
la démocratie
implique un
consentement à
la division de
la vérité. Ce
pour quoi Gil
Caroz
soulignait
dans une
contribution
antérieure que
la
psychanalyse
ne peut se
développer que
dans les zones
où le système
politique est
démocratique.

 

La
concorde
démocratique
produit alors
un retour du
refoulé qui
est cette
douleur intime
où le sujet
fait
l’expérience
de la division
de la vérité.
Eh bien dans
notre époque
que je dirais
« épileptique
», au sens que
la crise y est
continue,
risque de
surgir à tout
instant, nous
vivons dans un
espace social
où, parce
qu’il est
globalisé,
plus rien
n’est à sa
place. La
notion même de
place, fait
remarquer
J.-A. Miller,
est
problématique.
On ne peut
dire d’un
livre qu’il
manque à sa
place que dans
une
bibliothèque
bien rangée.
Ici plus de
bibliothèque
mais plutôt
une googelisation
du monde où
les recherches
se font selon
des
algorithmes
puissants qui
dissolvent
toute
bibliothèque,
aussi bien
rangée
soit-elle.  Nous
dirons que le
monde
hypermoderne
est sans
pilote, sans
opérateur,
précisément
parce que le
vrai réel,
celui de la
science, celui
auquel nous
n’accédons
qu’avec des
petites
lettres et des
petites
formules, est
inimaginable.
 «
Le propre du
réel, c’est
qu’on ne
l’imagine pas
» relève
Lacan.13  On
passe donc de
l’inconscient
comme discours
du maître,
articulé à un
S1 (ce que
j’évoquais
plus haut à
partir de « la
Troisième »
comme « le je
lié au savoir
constitué de
son insertion
dans le
discours où il
est né »), à
l’inconscient
articulé à S
de A barré (où
se justifie le
concept de lalangue
comme reste,  lieu
où la
jouissance
fait dépôt
d’être rejeté,
chiffré par le
langage).

 

Les
crises,
fluctuations
des régimes de
jouissance

Miller
repère trois
phases dans
l’enseignement
de Lacan qui
formalise ce
passage du S1
à S de A barré
comme
constitutif de
l’inconscient
:

         
D’abord
la
psychanalyse à
l’époque
disciplinaire,
l’inconscient
est repéré
comme
répétition
signifiante et
articulé
autour de
l’Œdipe, de la
castration, du
refoulement,
du
Nom-du-père.
Le désir est
fixé comme
métonymie d’un
manque.

         
Ensuite
Lacan
pluralise les
Noms-du-père,
le refoulant
n’est plus le
père mais le
langage
lui-même. Le
désir se
déplace vers
le concept de
jouissance et
l’accent est
mis sur
l’objet petit
a
qui comble le
manque.

         
Et enfin
une phase
ultime où la
jouissance n’a
pas de
contraire, le
langage
lui-même est
jouissance et
non plus
opérateur de
refoulement.
C’est là qu’il
doit inventer
le concept de
lalangue
comme « le
dépôt,
l’alluvion, la
pétrification
qui s’en
marque du
maniement par
un groupe de
son expérience
inconsciente »14.  Dès
lors si je
puis dire, on
n’y échappe
plus, on est
aux prises
avec ce noyau
de jouissance.
C’est en tout
cas ce que
vise une
analyse, de
réduire le
symptôme,
produit du
réel, à son
trognon, le
réduire à ce
que Lacan a
nommé sinthome.
Tout devient
alors affaire
d’arrangement,
de régime de
jouissance, de
passage d’un
régime à
l’autre. C’est
dans ces
fluctuations
que je
situerai la
notion de
crise, telle
que Gil Caroz
nous propose
de la traiter
et non pas
dans la
dramatisation
du spectacle
du monde.

 

La crise
dans la
psychanalyse
est le nom de
ce passage
d’un régime de
jouissance à
l’autre. Il y
a à trouver de
nouveaux
arrangements :
les familles
se composent
et se
recomposent,
la théorie du
genre
complexifie la
différenciation
sexuelle et
autorisent de
nouveaux
discours, les
travailleurs
eux-mêmes sont
appelés à une
flexibilité
maximale, on
change
plusieurs fois
de métiers sur
une vie etc.  Chaque
fois c’est un
moment de
crise qui
appelle la
nécessité d’un
remaniement,
mais dont le
point fixe est
le sinthome
qui est notre
« répondant
parasexué »
faute d’un
répondant
sexuel15.

 

Ne pas
reculer devant
la crise

D’abord
La
psychanalyse
fait face à
ces moments de
crise en
permettant
leur
élaboration,
ensuite elle
permet par
l’appui
transférentiel
la mise à
l’épreuve des
assurances
subjectives
prisent
jusque-là sur
le réel.  Et
enfin elle
cherche un
arrangement
plus
satisfaisant
des solutions
symptomatiques.  L’aperçu pris
sur le réel
permet
d’envisager la
crise sous un
autre angle,
non pas de
l’éviter mais
de la prendre
pour ce
qu’elle est :
un indice du
réel que
l’analysant
commence à
bien connaître
et parfois à
apprivoiser.
Dire que la
psychanalyse
est amie de la
crise c’est
aussi une
façon de faire
valoir qu’il
n’y a pas à
reculer devant
la crise.  L’entrée
en analyse
n’est-elle pas
toujours un «
moment de
crise », et si
ce n’est pas
le cas ne
faut-il pas
dans certains
cas la
provoquer ?

 

Avec ce
thème des «
Moments de
crise » on
saisit à quel
point les
concepts de
Lacan sont
robustes et
vont nous
permettre de
traiter de ce
thème de façon
éclairée. Yves
Vanderveken
suggérait
d’ailleurs le
Séminaire des
quatre
concepts comme
point d’appui,
j’ajouterai
notamment la
structure du
pas-tout comme
appui
conceptuel que
J-A Miller
reprend dans
la partie 2
des «
Intuitions
milanaises ».

 

J’aurais
aimé vous
parler aussi
de « la
Troisième » de
façon plus
détaillée à
partir de la
conclusion de
ce que je vous
ai apporté
aujourd’hui et
qui met en
valeur la
dimension du
pas-tout et du
continu qui
rompt avec la
discontinuité
des structures
cliniques
classiques. La
conséquence
qu’en tire J-A
Miller c’est
que le
symptôme
devient
l’unité
élémentaire de
la clinique en
lieu et place
de ce
qu’étaient les
classes de
symptômes,
c’est-à-dire
les structures
cliniques. Le
sinthome
dans sa
nouvelle
écriture est,
dit-il, la
version
lacanienne de
la
fragmentation
des entités
clinique du
DSM.  Dans
« Choses de
finesse » il
disait du sinthome
que c’était un
concept
effaceur de
frontière
(leçon du
10.12.2008).

 

A partir
de là on
pourrait
travailler
autour de ce
que Lacan
déclare dans «
la Troisième »
que la
psychanalyse
dépend de
l’avenir du
Réel. La
science dit-il
produit les
gadgets qui
transforment
le réel. Mais
ajoute-t-il,
nous ne
deviendrons
pas purement
et simplement
animés par les
gadgets, ils
deviendront
eux-mêmes des
symptômes.

 

 

 

1
Intervention
au . Je
remercie Geert
Hoornaert pour
sa relecture
attentive.

2 Bloch
et Wartburg,
dictionnaire
étymologique

3 Aubert
Nicole, « Le
culte de
l’urgence. La
société malade
du temps »,
coll. Champs
essais, 2009.

4 Voir
pour une
lecture dans
l’urgence le
blog de Gaël
Picut sur
en-aperte.com
à propos du
livre de
Nicole Aubert.

5 Lacan
Jacques, « La
troisième »
(1974), La
Cause
freudienne
,
79, p. 12

6 Lacan
Jacques, Le
triomphe de la
religion (29
oct. 1974), p.
87, coll.
Champ
freudien,
Seuil, 2005.

7 Lacan
Jacques, op.
cit. p. 93

8 Lacan,
op. cit. p. 95

9 Augé
Marc, «
Non-Lieux.
Introduction à
une
anthropologie
de la
surmodernité
», Seuil,
1992.

10 Klein
Etienne, Le
temps, Coll.
Domino,
Flammarion,
1995, p. 68.

11 Miller
Jacques-Alain,
« Intuitions
Milanaises 1
», Mental, 11,
2002. «
Intuitions
Milanaises 2
», Mental 12.
« Théorie de
Turin sur le
sujet de
l’Ecole »
(2000), La
Cause
freudienne,
74, 2002, p.
133.

12 Lacan
Jacques, « Le
temps logique
ou l’assertion
de certitude
anticipée », Ecrits,
Paris,
Seuil, 1966,
p. 213, note
2. Cité par
J-A Miller
dans sa «
Théorie de
Turin sur le
sujet de
l’Ecole »
(2000), La
Cause
freudienne
,
74, 2002, p.
133.

13 Lacan
Jacques,  «
Le triomphe de
la religion »,
op.
cit.
P. 92

14 Lacan
Jacques, « La
troisième »,
op. cit., p.
20

15 Lacan
Jacques, « La
troisième »,
op. cit., p.
32


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