NLS Minute – 11

 

– 11 –

Psychose ordinaire et
surmoi
 

Lieve Billiet

Belgique

Jacques-Alain Miller
précise qu’en proposant le terme de psychose ordinaire, il a moins présenté un
concept ayant une définition rigide, un statut « capitonné » du
savoir, qu’un terme dont tout un chacun pouvait se servir, « un statut
démocratique du savoir de l’Autre ».[1]
Il ajoute que si ce n’est pas une catégorie de Lacan, c’est une catégorie
clinique lacanienne, dans la mesure où elle est extraite de son dernier
enseignement. Prenant appui sur la notion de sinthome, elle présente un abord clinique
de la psychose au-delà de la norme névrotique et du concept de forclusion.

Qu’est-ce que cela
implique pour la notion de psychose elle-même ? Remarquons qu’à propos de
Joyce, Lacan pose la question, non pas de savoir s’il était psychotique, mais
s’il était fou – question à laquelle il ne donne d’ailleurs pas de réponse. Éric
Laurent part de la question « qu’appelons-nous psychose ? » pour
faire ressortir à quel point la psychanalyse a eu un effet de « démocratisation ».
Au travers du complexe d’Œdipe, Freud a démocratisé le tragique qui donnait
forme à la civilisation victorienne, où le règne de l’interdit définissait
l’horizon idéal du discours. Les tragédies « extraordinaires » –
celles de la réalité et des grand romans épiques du XIXème siècle – en
devenaient « ordinaires ».[2]
En croyant au père, chaque névrosé vivait sa tragédie. L’ordinaire est du côté de la névrose, l’extraordinaire
du côté de la psychose, non seulement en tant que le psychotique ne répond pas
à la norme œdipienne, mais en tant que par sa mission délirante, il sera
l’exception, il fera l’effort extraordinaire de réinstaller la norme, la loi,
l’ordinaire.

De la clinique
structuraliste à la clinique borroméenne, de la croyance au Père à la croyance au
sinthome, du « ne devient pas fou qui veut » au « tout le monde
est fou », un changement s’opère. C’est moins une mise en question du statut
exceptionnel et extra-ordinaire du Nom-du-Père, qu’une mise en question des notions
d’exception et d’extra-ordinaire eux-mêmes. 
La clinique du nœud borroméen est la clinique de l’arrangement singulier
que tout parlêtre doit trouver pour faire avec la jouissance de son corps
vivant. Elle va jusqu’à rendre « ordinaire »,
le « désordre provoqué au joint le plus intime du sentiment de la vie ».

Que tout le monde soit
fou ne veut pourtant pas dire que tout le monde soit psychotique.[3] C’est pour cette raison que la question
de la psychose ordinaire se pose. La psychose de la clinique du sinthome est la
psychose de l’époque de l’Autre qui n’existe pas, du monde déboussolé et
féminisé. Marie-Hélène Brousse renvoie à la thèse de Lacan dans la leçon du 19
mars 1974 de son Séminaire « Les non-dupes errent », selon laquelle
le Nom-du-Père forclos dans la contemporanéité revient dans le réel sous la
forme de « normes sociales ». « Ce qui fait norme aujourd’hui,
c’est le chiffre, la moyenne, le ratio. (…) Tel est le Nom-du-Père
aujourd’hui : le politiquement correct, le consensus, l’evidence proof de tout qui est la seule justification du droit
d’exister. L’ordre social est fondé non sur la fonction du père qui nomme, mais
sur la courbe de Gauss dont la normalité est la médiane. (…) Lacan qualifie cet
ordre social d’« ordre de fer ». Il est plus féroce que le
Nom-du-Père parce que ce n’est pas le désir qui lui est corrélé, comme cela se
produit dans le cas de l’interdit, mais la jouissance. Quand quelqu’un vous dit
« non » le désir peut surgir, mais si c’est un nombre qui vient à la
place du non, le surmoi seul peut répondre. (…) Le nom de ce nouveau surmoi est
celui que l’on peut écrire aux dépens de l’idéal du moi. On peut parler
aujourd’hui d’un surmoi statistique. Quand nous parlons de psychose ordinaire,
il s’agit de comportement super social. Il s’agit d’une soumission absolue,
métonymique bien sûr et non métaphorique, aux usages communs, à la banalité
tels qu’ils sont définis par la médiane de la courbe. »[4]

A l’époque actuelle le
statut du surmoi a radicalement changé. Dans la clinique de la psychose
ordinaire, on ne peut qu’être frappé par la présence massive d’un surmoi tyrannique
et persécuteur qui « prescrit », fait « norme », qu’il se
présente sous la forme de la « moyenne » hypermoderne ou celle plus
archaïque d’une figure maternelle. En effet, le déclin du père implique aussi
qu’il a perdu sa fonction de persécuteur par excellence.  


[1] Jacques-Alain Miller, Effet retour sur la
psychose ordinaire, Quarto, 94-95, 41.

[2] Eric Laurent, La psychose ou la croyance radicale
au symptôme, Mental, 29, 67.

[3] Ibid., 71.

[4] Marie-Hélène Brousse, La psychose ordinaire à la
lumière de la théorie lacanienne du discours, Quarto 94-95, 13.

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Dublin,
les 2 et 3 juillet
2016
 
 

 

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