NLS Minute – 14


 

 

– 14 –

Notre « p’tit fil »

Epaminondas Theodoridis

 

Grèce

 

 

« À la vérité, un p’tit fil, hein ! que vous trouveriez tout seuls, dans ce rapport de concernement avec cette chose vraiment unique, problématique, qui vous est donnée, je ne dirais pas sous le titre de fou, parce que ce n’est pas un titre… un fou, c’est quand même quelque chose… ça résiste, voyez-vous, et qui n’est pas encore près de s’évanouir simplement en raison de la diffusion du traitement pharmacodynamique. Si vous aviez un p’tit fil, quel qu’il soit, ça vaudrait mieux que n’importe quoi, d’autant plus que ça vous mènerait quand même nécessairement à ce dont il s’agit. »

Jacques Lacan

Petit discours aux psychiatres de Sainte-Anne

 

 

En 1967 Lacan invite les jeunes psychiatres de Sainte-Anne à trouver un « p’tit fil », quel qu’il soit, dans leur rapport de concernement avec le fou qui les mènerait nécessairement à ce dont il s’agit, c’est-à-dire au réel de la clinique de la folie. Il affirme par ces propos que quelle que soit notre approche épistémique, à partir du moment où nous sommes rigoureux dans notre travail et suivons notre fil, nous allons rencontrer nécessairement des difficultés et des impasses semblables, imposées par le réel de la clinique.

Alors, c’est un fait incontestable que dans notre pratique nous rencontrons des cas pour lesquels nous sommes en difficulté pour poser de façon sûre un diagnostic, ainsi qu’à les classer selon le binaire classique d’opposition névrose-psychose. Pour désigner ces inclassables de la clinique, le syntagme psychose ordinaire, qui est « davantage une catégorie épistémique qu’objective »[1], a été inventé par J.-A. Miller, à partir du dernier enseignement de Lacan. C’est le travail de recherche des Sections cliniques dans les années 90 sur les psychoses qui a démontré la nécessité de distinguer cette catégorie pragmatique. Du côté de l’IPA, les notions d’états-limites – devenus borderline personality disorder dans le DSM -, de la psychose blanche ou froide, sont autant de tentatives pour décrire ces mêmes phénomènes cliniques.

L’invention de la psychose ordinaire est corrélative à notre civilisation hypermoderne où l’Autre n’existe pas, où il n’y a pas d’Autre de l’Autre. Le Nom-du-père n’étant plus le garant d’aucun ordre, l’Autre est inconsistant, d’où la prolifération des diverses normes. La psychose ordinaire n’est donc pas issue de la clinique structuraliste, discontinue de la première période de l’enseignement de Lacan, mais elle est inscrite dans la perspective de son dernier enseignement marqué par la connexion de la jouissance et du signifiant, par la forclusion généralisée et du réel sans loi. De ce « questionnement le plus radical jamais formulé du fondement même de la psychanalyse »[2] une nouvelle clinique continuiste en découle, la clinique borroméenne, la clinique du sinthome, où « le psychotique franc comme le normal sont des variations […] de la situation humaine, de notre position de parlant dans l’être, de l’existence du parlêtre. »[3] Nous sommes donc tous égaux à l’égard du réel de l’inexistence du rapport sexuel qui puisse s’écrire, égaux devant le troumatisme de l’impact du langage sur le corps. Tout discours est alors une défense face au le réel du non rapport, un délire auquel on croit.

Mais cette continuité entre la névrose et la psychose ne contredit pas la pertinence de leur distinction et de leur opposition selon la clinique structuraliste et ne signifie pas qu’il y a un passage de l’une à l’autre, comme le laissent croire les élaborations au sein de l’IPA. C’est pourquoi J.-A. Miller précise que si le diagnostic de psychose ordinaire est posé « cela veut dire que c’est une psychose. Et si c’est une psychose, alors elle peut être rapportée aux catégories nosographiques classiques. »[4] La continuité entre névrose et psychose, en guise de courbe de Gauss, est concevable seulement dans la perspective de la forclusion généralisée, du « tout le monde délire », où ce qui importe ce sont les inventions du sujet, avec ou sans l’appui du prêt-à-porter du Nom-du-père, pour nouer et tenir ensemble de manière borroméenne ou pas le R, S et I. À partir de cette clinique borroméenne P. Skriabine a proposé une nouvelle clinique différentielle[5] qui peut nous être utile dans notre pratique.

C’est en cela que consiste notre « p’tit fil », notre orientation, dans l’abord des psychoses ordinaires qui sont des psychoses du « type roseau » : essayer de repérer les signes discrets de débranchement dans ces cas sans franc déclenchement parce que « le contraste entre avant et après n’y est pas aussi marqué »[6], de même repérer ce qui fait tenir ensemble les registres du R, S et I, pour éviter au sujet des moments de crise et ainsi l’aider à construire un nouage là où il est défait.

 
 

[1] MILLER J.-A., « Effet retour sur la psychose ordinaire » (2008), Quarto, Revue de psychanalyse, n°94/95, 2009, p. 42.

[2] MILLER J.-A., « Préface », Joyce avec Lacan, Paris, Navarin éditeur, 1987, p. 11.

[3] IRMA, La psychose ordinaire, La convention d’Antibes, AGALMA-LE SEUIL, 1999, p. 231.

[4] MILLER J.-A., « Effet retour sur la psychose ordinaire » (2008), op. cit., p. 45.

[5] SKRIABINE P., « La clinique différentielle du sinthome », Quarto, Revue de psychanalyse, n° 86, 2006, p. 58-64 et sur internet « Introduction à la clinique borroméenne, de RSI au sinthome », http://uforca-pidf.pagesperso-orange.fr/page11/index.html .

[6] IRMA, La psychose ordinaire, La convention d’Antibes, op. cit., p. 276.

 
 
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