NLS Minute – 16


 

 

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Pour que les signes restent discrets

Dominique Holvoet

 

Belgique

 

La notion de psychose ordinaire nous permet de fait le joint entre la psychose extraordinaire, celle qui se lit à partir de la forclusion du Nom-du-Père, et la dimension du délire généralisé qui relève de la clinique qui se construit au XXIè siècle et dans laquelle le Nom-du-Père n’est plus qu’un symptôme parmi d’autres possibles. Le Nom-du-Père est mis en place par Lacan dans le Séminaire III comme un signifiant qui, tel un anneau, « fait tenir tout ensemble »[1] alors que c’est au symptôme comme tel, rebaptisé sinthome, qu’est dévolu cette fonction dans le Séminaire XXIII.

Ainsi rencontrons-nous dans notre pratique bon nombre d’analysants pour lesquels cette fonction-sinthome présente une fragilité particulière. Et cette assertion pourrait d’ailleurs être élargie à l’ensemble des sujets qui demande une analyse. Car c’est toujours vrai qu’un sujet s’adresse au psychanalyste parce qu’il éprouve une certaine discontinuité dans sa vie. La clinique de la psychose ordinaire requiert de prendre toute la mesure de ces discontinuités afin d’en inférer la fonction-sinthome qui nouait jusque-là les discontinuités successives. La question reste donc toujours de savoir ce qui vient stabiliser la langue dans tel cas, quel est le point de capiton qui préservait l’ordre de la signifiance ou pour le dire dans les termes du Séminaire XXIII, quelle écriture, quel mode de nouage est en jeu dans le rapport à la parole de ce corps impacté par le langage ? Une petite délinquance, une pratique addictive, un mode énonciatif singulier, une modalité inédite de faire couple peuvent être les signes discrets d’une psychose ordinaire, qui ne sont que les signes d’une sinthomatisation permettant de faire tenir ensemble un édifice précaire.

Cet édifice, c’est au dernier terme tout ce qui vient faire civilisation, c’est-à-dire tout ce qui est en place de répondre aux perturbations, au parasitage du langage comme tel sur le corps parlant. C’est en ce point sans doute que ce qu’on appelle ici civilisation passe nécessairement par l’art, particulièrement quand le programme de la civilisation présente des ratés. Et c’est aussi en ce point que la psychanalyse accompagne les corps parlant – tout le monde n’ayant pas vocation à rejoindre l’artiste. Quoi qu’il en soit, pour l’un comme pour l’autre ce sera « toujours à contre-courant que l’art [et la psychanalyse] essaie d’opérer à nouveau son miracle »[2]  Car il y a en effet un malaise dans la civilisation qui est « ce dérèglement par quoi une certaine fonction psychique, le surmoi, semble trouver en elle-même sa propre aggravation, par une sorte de rupture des freins qui assuraient sa juste incidence ». C’est dans cette parenthèse que Lacan reprend d’une phrase le texte de Freud. Et il poursuit par cette incise : « Il reste, à l’intérieur de ce dérèglement, à savoir comment, au fond de la vie psychique, les tendances peuvent trouver leur juste sublimation »[3]  Ce que Lacan nomme là la rupture de freins du Surmoi, c’est le caractère d’intimation que comporte la voix, qui impose au sujet sa signifiance. Car le problème n’est pas de mettre des mots sur les choses, de faire récit, mais de ne pas être poussé, précipité à subir les mots de l’Autre, révélation ineffable dont la densité de signification fait effraction et brise alors l’ordinaire de la psychose d’un parlêtre.

Eric Laurent, dans un entretien subtil avec François Ansermet et Pierre Magistreti en septembre 2011, donnait l’axe de la clinique psychanalytique du XXIè siècle en soutenant qu’à l’envers de ce que la vulgate veut bien retenir, la psychanalyse n’est absolument pas une herméneutique. Il relevait que ce qui caractérise l’existence du sujet est tramé d’un certain nombre de discontinuités, de trous qui ne permettent justement pas d’établir une continuité, un récit de vie.

Et c’est pour cela que la psychanalyse n’est pas une herméneutique. Faire une analyse, ce n’est pas faire le récit de sa vie. Au contraire soutenait E. Laurent c’est « faire le récit de tout ce qui ne fait pas récit, de tout ce qui fait trou, de tout ce qui fait obstacle à ce qu’on puisse se retrouver soi-même, tous les moments où on s’est perdu de vue »[4]. La clinique de la psychose extraordinaire nous a enseigné sur ces moments de cristallisation où une écriture s’impose au sujet. Le repérage des modes par lesquels un sujet tisse la trame sur le trou permet d’éviter cette précipitation dans ce qu’on nomme une hallucination, une lettre qui tout à coup fait sens, déclic, boum ! La clinique de la psychose ordinaire tient à ce repérage des signes afin qu’ils restent discrets.

 

[1] Lacan Jacques, Le Séminaire, Livre III, Les psychoses, Paris, Seuil, 1981, p. 359.

[2] Lacan Jacques, Le Séminaire, Livre VII, L’éthique de la psychanalyse, p. 170.

[3] Lacan Jacques, op.cit. p. 172

[4] Laurent Eric, Entretien avec les professeurs Magistretti et Ansermet pour la fondation Agalma, mise en ligne 28/11/2011 sur https://youtu.be/cCS9vRXIin4

 
 
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Congrès de la NLS 2016
Dublin, les 2 et 3 juillet 2016
 
 

 

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