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Méconnaissance de la psychose ordinaire : de quelques conséquences
François Ansermet
Suisse
Ce qu’il y a d’extraordinaire dans la
psychose ordinaire, c’est qu’on n’y pense pas forcément – ses signes étant
effectivement discrets, fins, plus difficilement repérables que les symptômes
extraordinaires de la psychose : hallucination, délire, ou phénomènes
élémentaires au sens classique.
Bizarreries, maniement particulier du
langage, troubles fins de la pensée, rejet brusque de l'autre, poussées
d'angoisse non reconnues comme telles, prises pour une difficulté d’inscription
sociale ou des barrages dans les relations, débranchement du temps des autres,
désinsertion, toutes sortes de dérèglements qui surgissent sans qu'on les ait
vu venir, ni qu’on n’arrive à les considérer comme un ensemble.
Il s’agirait aussi de penser le rôle du
traumatisme dans ce type de psychose, parfois cause du déclenchement ou qui
reste enkystée dans ce qu’on prend comme une réaction au traumatisme – le
traumatisme étant devenu aujourd’hui à la fois prépondérant et une explication
généralisée du malaise individuel et collectif.
A cette liste, on devrait ajouter le
critère majeur de la « méconnaissance ». La psychose ordinaire se
présente d’abord en tant que méconnue,
avec le paradoxe qu’elle va devenir d'autant plus envahissante qu'elle reste
méconnue.
Ce qui fait du repérage des signes
discrets de psychoses ordinaires non seulement un enjeu clinique majeur, mais un
enjeu de société. S’adresser à un psychotique comme s’il ne l’était pas, en
plus de le laisser seul dans sa souffrance, peut le pousser vers une tendance
au passage à l'acte.
La reconnaissance de la psychose
ordinaire représente un enjeu majeur quant à l'incidence de la psychanalyse dans
le champ de la psychiatrie. On ne repère plus les psychotiques en psychiatrie. En
particulier dans la psychiatrie d'enfant et d'adolescent, où les troubles du
spectre autistique ont pris toute la place. Dans la psychiatrie d’adultes, ce
phénomène touche progressivement les grands syndromes sur lesquels elle s’était
constituée, comme la schizophrénie et la paranoïa. C’est lourd de conséquences.
On pourrait même faire l'hypothèse que le
déclin de la clinique participerait à la montée contemporaine de la violence,
dans la tendance du sujet à traiter lui-même la faille non reconnue qui l’habite,
en adoptant des prothèses identitaires, des prêts-à-porter fanatiques, pouvant
pousser à l’extrême la destructivité qui l’habite.
Avec la psychose ordinaire, on est dans
le registre de la contingence plutôt que dans celui de la causalité. Une
contingence qui met en jeu l’événement, dans ses valences traumatiques, mais
qui tient aussi à l'impact du signifiant sur la jouissance[1].
Cette caractéristique clinique
nécessite une attention particulière quant à la rencontre avec le sujet et à la
manière d'intervenir. Plutôt que de dénouer une causalité en jeu, il s'agit
plutôt de faciliter une invention possible. Prendre ses repères dans les
potentialités de réponse du sujet, plutôt que dans la détermination de son impasse.
On a trop souvent tendance à considérer la psychose comme un processus négatif, voire comme un défect. Il y
a aussi les potentialités qu’elle ouvre, qui peuvent être un facteur d’invention,
de créativité. Quel est le rapport entre l’invention et la découverte[2].
Dans le champ des sciences, parfois une invention peut déboucher sur une
découverte. Une découverte nécessite de l’avoir d’une certaine manière
anticipée. Y compris lorsqu’il s’agit d’une découverte par serendipity[3].
Encore faut-il que le chercheur se saisisse de la contingence, où se dévoile
autre chose que ce qu’il cherchait. Tel serait un autre enjeu de ce qu’enseigne
la place de la contingence dans le champ de la psychose ordinaire – un autre
destin, inattendu, de ce qu’on ne peut se contenter de voir comme un trouble.
[1] Voir Jacques-Alain Miller. Les six
paradigmes de la jouissance. La cause freudienne, 93, 1999 ; voir ce qui
concerne le 4ème paradigme : « Qu’est-ce qui change d’un
paradigme à l’autre ? C’est que Lacan dément ce clivage du signifiant et
de la jouissance dans ce quatrième paradigme. Il forge une alliance, une
artriculation étroite entre le signifiant et la jouissance », p.15
[2] Jacques-Alain Miller, « Un rêve de Lacan »,
in : Le réel mathématique. Psychanalyse et mathématique. Textes réunis et
édités par Pierre Cartier et Nathalie Charraud, Agalma, Paris, 2004, p. 124
les 2 et 3 juillet
2016
Soirée/Repas du samedi soir : 50 euros
Horaire du congrès : Samedi de 9h à 18h
– Dimanche de 9h à 15h.
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selon trois modalités :
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