Liste de diffusion de l'EuroFédération de Psychanalyse
Dans l'après-coup de PIPOL 6
Un week-end
ensoleillé à Bruxelles
Jean-Daniel Matet
Il y avait du monde
—1300 personnes— au palais des congrès de Bruxelles, dit le Square, pour le 2ème
congrès de l’EuroFédération, PIPOL VI, les 6 et 7 juillet 2013. L’accueil et la
préparation minutieuse de l’équipe du congrès autour de Gil Caroz favorisaient
la rigueur des échanges qui ne demandaient qu’à se prolonger au-delà d’un
timing très précis.
Le samedi, dans dix
salles multiples, les 120 intervenants de nombreux pays de l’EuroFédération et
de l’AMP (Allemagne, Argentine,
Belgique (Bruxelles, Flandres et Wallonie), Brésil, Bulgarie, Canada,
Danemark, Espagne, Finlande, France, Grande Bretagne, Grèce, Irlande, Israël,
Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Russie, Suisse.) donnèrent
un aperçu des pratiques cliniques, dans les institutions ou au cabinet du
psychanalyste. Chaque séquence d’une heure avec un président et un discutant furent
l’occasion de débattre de deux textes sur des sujets très variés, en italien,
espagnol, français, flamand, et anglais. L’orientation générale était donnée
par le titre « Le cas, l’institution, et mon expérience de la psychanalyse
». Les uns tentant d’attraper dans la logique de la cure, les effets sur le
symptôme, la jouissance et l’interprétation, conséquences de cette évolution
des relations du masculin et du féminin. Les autres ont témoigné de ces
conséquences dans la clinique institutionnelle, toujours envisagée au cas par
cas ainsi que sur les institutions elles-mêmes, leur structure et leur mode de
fonctionnement.
Dimanche, les travaux
se concentraient en salle plénière, avec traduction simultanée de qualité, pour
approcher les évolutions des formes du désir et de la jouissance marquées par
une extension du féminin. L’ouverture par la Vice-Présidente du Parlement
européen, Isabelle Durant, qui sut dire avec précision, l’intérêt qu’elle
portait aux travaux de ce congrès susceptibles de traduire ce qu’elle observait
de la vie politique en Europe, ses résistances et ses espoirs quant à la place
occupée par les femmes dans les modes de vie contemporains. Le président de
l’EuroFédération, Gil Caroz, qui l’accueillait trouva l’occasion de lui dire le
sentiment partagé d’un lien amical, à travers les combats menés, depuis le
Forum des femmes, à Paris en 2010. Le président de l’AMP, Leonardo Gorostiza,
introduisit les travaux en rappelant les orientations données par Jacques-Alain
Miller à travers l’enseignement de Lacan.
Un éclairage précis
sur la clinique après l’Œdipe, à travers la clinique féminine (Eric Laurent),
le déclin de la psychiatrie (Miquel Bassols), et l’institution quand elle fait
place au féminin (Alexandre Stevens) fut apporté dans la première séquence.
Sous le titre « Actions
lacaniennes », les initiatives originales de trois femmes — à Moscou,
Yulia Akhtyamova, à Paris, Mireille Battut avec La main à l’oreille, en
Belgique, Nathalie Laceur, à travers l’expertise orientée par la clinique
lacanienne dans un procès d’assise—qui montrèrent leur détermination à déplacer
les discours convenus en prenant appui sur leur propre expérience de la
psychanalyse.
L’invitée de la
séquence suivante animée par Lilia Mahjoub et Jacques-Alain Miller, ayant fait
défaut pour raisons de force majeure, Clotilde
Leguil et Ben Verzele montrèrent le lien qui s’établit entre le contrôle de
l’analysant et ses interventions dans des cas reçus en institution. Devant le
risque de n’entendre que l’écho des effets sur l’analyste de la rencontre avec
le patient, accent du contre-transfert, Jacques-Alain Miller nota pour l’avenir
l’exigence d’aller « à fond sur la structure » dans l’analyse d’un
cas.
L’après-midi commença
par une intervention attendue de Mitra Kadivar, deux semaines après son passage
à Paris, qui retraça son parcours à Téhéran pour faire exister le texte
freudien et transmettre son enthousiasme pour sa traduction en persan. Elle
montra sous le titre qu’elle choisit « Une superbe autosuffisance »
les obstacles rencontrés dans sa démarche et le soutien qu’elle trouva auprès
de Jacques-Alain Miller, des Ecoles de l’AMP, mais aussi sa farouche
détermination, non sans le recul humoristique que lui a donné sa formation
analytique, pour parvenir à transmettre le sel corrosif du message freudien
dans la société iranienne de son temps.
En écho à leurs
récentes publications, Mercedes de Francisco, Philippe Hellebois et Stella
Harrisson firent résonner des figures du féminin contemporain (« Femmes
hypermodernes ») à travers la littérature sur « L’amour au
féminin », « Les scandaleuses », « News sur l’homosexualité
féminine ».
La dernière séquence,
Traversées féminines, donna la parole à quatre AE — Hélène Bonnaud, Paola
Bolgiani, Guy Briole, Araceli Fuentes — qui surent nous transmettre ce qui,
dans leur analyse, avait été déplacé dans le rapport au corps et à la mère.
Jacques –Alain Miller,
dans un commentaire de quelques passages du Séminaire VI de Lacan, récemment
publié, Le désir et son interprétation, montra la mutation ébauchée par
Lacan sur la place de l’Autre du langage
et le statut de l’objet, encore référé à l’image, mais anticipant son statut
réel à travers la formule du fantasme introduite dans le graphe. La nouveauté
de sa lecture nous a rendu plus impatient de la reprise de son cours où ces
commentaires seraient déployés.
Gil Caroz concluait
brièvement ces deux jours intenses de congrès par des remerciements aux
nombreux membres de l’équipe d’organisation qui en assurèrent impeccablement la
tenue. Il fut lui-même longuement applaudi pour le travail accompli depuis
trois ans à la tête de l’EuroFédération avant de passer la main à son
successeur, Jean-Daniel Matet, élu la veille par l’Assemblée générale.
L’accueil et la
convivialité des collègues belges, dès le vendredi soir autour d’un verre, ont
renforcé l’affectio societatis
culminant dans la soirée qui rassembla les participants dans ce lieu admirable
qu’est l’Albert Hall, et ont donné à ce congrès une chaleureuse ambiance de
travail.
Le
9 juillet 2013