Rapport du séminaire ouvert de ICLO-NLS
Dublin, le 20 octobre 2012
Samedi 20 Octobre, l’ICLO-NLS a eu lieu le premier de ses deux séminaires ouverts de l’année consacrés à Lacan et les Arts, dont le titre était « Tous nos Pères : dialogue entre littérature et psychanalyse » avec Carlo Gébler. L’événement qui s’est produit au Musée des Écrivains de Dublin, a attiré de nombreuses personnes, dont plusieurs ont participé à la discussion. Effectivement, ces séminaires ont été organisés, aussi bien dans leur structure que dans leur contenu, dans un esprit d’ouverture au grand public.
Florencia Shanahan (Présidente de l’ICLO-NLS) a ouvert le séminaire. Elle a commencé en interrogeant ce que la psychanalyse peut apprendre de l’artiste. Elle a rappelé que, suivant Freud et Lacan, il est en effet important de demander ce que la psychanalyse peut apprendre de l’artiste au lieu de se demander comment la psychanalyse peut s’appliquer à l’art. Introduisant la journée comme une exploration des fonctions du père et de l’écrit, elle a cité J.-A. Miller à propos de « la lecture de son propre inconscient » : « … ce livre dont un seul exemplaire a été imprimé, dont vous pouvez emporter partout avec vous le texte virtuel, là où est écrit le script de votre vie, ou du moins son brouillon. » Elle a remercié l’artiste Clodagh Kelly pour avoir fourni la peinture de l’affiche.
Puis l’écrivain Carlo Gébler a parlé de sa vie, de son travail et de ses relations avec ses parents, notamment son père. Il a parlé pendant plus d’une heure. Sa performance fut éblouissante et a fasciné le public. Particulièrement remarquable est son ouverture d’esprit à propos de ses expériences et de sa vulnérabilité. Il a dit que son écriture a beaucoup à voir avec le fait d’être reconnu par son père ; il écrit pour son père.
Carlo avait été introduit par Ross Skelton, psychanalyste et professeur (émérite) à l’Université Trinity College Dublin. Après le discours passionnant de Carlo, Ross fit une brève interview avec lui sur des questions comme la relation entre l’analyse et l’écriture. Puis il y eut une discussion animée entre Carlo et la salle. Parmi les sujets explorés, la question de l’écriture comme forme de thérapie. Carlo avait mentionné qu’il avait été en analyse et a fait remarquer que pour lui, l’écriture avait une valeur thérapeutique, comme il l’a nommée.
Après la pause-café, la séquence suivante intitulée « Perspectives psychanalytiques sur le Père » a été présidée par Lorna Kernan. Trois membres de l’ICLO ont présenté des textes sur la question du père. Claire Hawkes a présenté un résumé des idées de Freud sur ce sujet, ce qu’elle a fait en se concentrant particulièrement sur Le Complexe d’Œdipe, Totem et Tabou et le père dans Moïse et le Monothéisme. Elle a terminé son exposé en se référant à la belle nouvelle de l’écrivain irlandais Frank O’Connor « Mon complexe d’Œdipe ». Le deuxième exposé de cette séquence a été présenté par Joanne Conway. Elle a parlé de la perspective de Lacan sur le problème crucial du père. Elle a présenté l’argument qu’il y a encore un élément de réductionnisme anatomique/biologique impliqué dans la conception freudienne du père. Au lieu de considérer les vrais protagonistes, Lacan insiste sur la structure qui est en jeu dans la question du père, du moins le Lacan des années 50 où il mettait l’emphase sur le Nom-du-Père et la métaphore paternelle. Elle a dit qu’en tant qu’opérateur, la métaphore paternelle impute un effet médiateur, permettant d’autres voies dont l’enfant peut jouir. Elle a aussi mentionné que dès 1938, Lacan se préoccupait de ce qu’il appelait alors la dégradation de l’imago paternelle ; une idée qui sera reprise par le troisième et dernier orateur Alan Rowan. Il a parlé du changement de l’idée et de la fonction du père dans la société moderne. Il a résumé plusieurs changements contemporains, comme l’augmentation du travail des mères, les familles monoparentales et d’autres facteurs sociaux, culturels et économiques. Il a fait valoir que l’évolution du rôle du père a des conséquences sur la façon dont nous souffrons. Il a également attiré notre attention sur l’idée essentielle que « notre question concernant la paternité dans le XXIe siècle ne peut pas être séparée de la question du symbolique dans le XXIe siècle », c’est-à-dire que nous vivons dans un monde globalisé et un des effets secondaires en est, comme J.-A. Miller l’a fait remarquer, que le sujet est, aujourd’hui, plus que jamais, sans boussole. Vers la fin de son exposé, il a dit que c’est dans ce contexte que nous devons nous poser la question de la nature de la paternité qui ne peut plus compter sur un idéal ou sur le grand récit [narration].
Le dernier point est devenu le point de départ d’une discussion animée avec l’auditoire, après que Carlo Gébler and Ross Skelton furent invités à revenir sur le podium pour une table ronde avec les intervenants et le public. Parmi les nombreux thèmes qui ont été abordés et débattus, il y eut l’idée d’un changement de ce que les pères et mères sont – et représentent – pour leurs enfants. Des questions ont été soulevées et débattues sur la relation entre ces changements et le féminisme ; et même sur la façon dont le rôle modifié du père aurait pu éventuellement être l’un des facteurs qui contribua à la montée du fascisme au XXe siècle. Je vais laisser le dernier mot à Carlo Gébler : « S’il y a quelque chose qui m’a déterminé en tant qu’écrivain et en tant que personne, c’est la voix de mes parents ».
Rik Loose (ICLO-NLS)
Traduit de l‘anglais par Frédéric Rosenthal et Anne Béraud.