SOCIÉTÉ HELLÉNIQUE–NLS: Journées de travail à Thessalonique

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SOCIÉTÉ HELLÉNIQUE – NLS

 

Journées de travail à Thessalonique

 

14 et 15 décembre 2012

 

avec Valérie PeraGuillot

 

 

 

par Athanassios Xafenias

membre de la Société Hellénique

 


La manifestation annuelle des
Journées de la Société Hellénique à Thessalonique a eu lieu vendredi 14 et
samedi 15 décembre 2012, à l’Hôpital Général « Ippokrateio ». Notre
invitée était la psychiatre et psychanalyste Valérie Péra-Guillot.

Dans sa conférence intitulée
« Ma fille, c’est moi », Valérie Péra-Guillot nous a présenté la cure
d’une femme en cours depuis plusieurs années. L’analyse s’élabore autour de la
question suivante : sera-t-il possible au sujet de décrocher d’un point
d’horreur lié au ravage ?  La rencontre du trauma de la jouissance
sexuelle sous les espèces d’un accident de route grave survenu à l’adolescence,
avait fait surgir sa soumission à sa mère et sa culpabilité envers elle.
L’accident intervenait comme une punition pour sa jouissance sexuelle. Dans sa
relation avec un homme sa relation avec la mère faisait obstacle. La parole du
père manquait pour marquer sa position. Elle était confrontée à l’impossible de
la séparation, une séparation à laquelle elle ne pouvait accéder qu’au prix de
la mort. Devant le couple d’un homme et d’une femme elle restait en suspens,
sans repère.

La cure a fait surgir la lutte
perpétuelle de la patiente contre l’angoisse de perdre l’autre, sa dépendance par
rapport à sa mère et sa haine envers elle. Sa fille est devenue elle-même l
objet de son existence. Elle perpétuait ainsi à travers elle sa relation
à sa propre mère. La psychose de sa fille, l’impossible de la séparation avec elle
et une série d’événements eurent comme résultat le surgissement de phénomènes
de corps ainsi qu’un épisode érotomaniaque. L’élaboration du cas fit apparaître
un double ravage. Il concerne, d’une part, la relation mère-fille et, de
l’autre, la relation homme-femme. La cure, par la modification de
l’identification qu’elle va opérer, aidera le sujet à prendre ses distances
avec sa mère en lui permettant d’avoir accès à une séparation qui ne soit pas
simplement un abandon.

L’histoire de cette femme a mis au
premier plan les ressemblances cliniques ainsi que les différences subtiles qui
existent entre la question hystérique – à savoir le mystère de la féminité – et
ce à quoi elle-même était confrontée, soit l’existence de La Femme en la
personne de sa mère. La subtilité du cas mit en valeur la nécessité du contrôle
dans la pratique de la clinique psychanalytique quotidienne, notamment
lorsqu’il s’agit de savoir « lire un symptôme », ainsi que son importance
dans la direction de la cure. La discussion porta aussi sur le rapport à
établir entre la psychose de la patiente et celle de sa fille.

A la présentation de malade du
samedi matin, organisée par les soins de Nouli Apazidou, membre de la NLS, fut
abordé, à la suite de l’entretien clinique qu’eut Mme Guillot avec le patient, un
ensemble de questions concernant la distinction entre la paranoïa et la
schizophrénie, le statut des phénomènes somatiques, de l’amour et du transfert
dans la psychose. Nous avons discuté tout particulièrement des symptômes de forme
obsessionnelle que présentait le patient, qui l’ont préservé du  déclenchement de sa psychose, mais aussi du
passage du symptôme à l’invention sinthomatique, de son utilité pour le sujet
confronté à la séparation impossible.

Au séminaire clinique et théorique
de l’après-midi, Valérie Péra-Guillot articula de manière très éclairante la
« foi au symptôme » avec « l’époque Geek », prenant sa référence dans l’argument du prochain
congrès de la NLS. En partant de la distinction entre foi et incroyance fondamentale,
et en parcourant les quatre discours, madame Guillot a précisé les effets que le
discours du Capitaliste induit selon les termes de la conférence que Lacan tint
en 1972 à Milan.

 

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Le
discours du Capitaliste, celui qui « ronge tous les autres discours »,
selon la formulation d’Eric Laurent, concerne tout le monde et désorganise tous
les autres discours. Il introduit une rupture, une discontinuité dans la chaîne
S1
"S2. En
conséquence de quoi l’objet a vient à
occuper une nouvelle position qui ne découle pas du procès signifiant. Le
résultat est qu’il n’y a pas de rapport entre la cause et l’effet. Nous passons
ainsi de la primauté du S1
"S2 à la primauté de la jouissance, du non-rapport,
et à la rupture définitive avec l’époque où c’était le signifiant comme tel qui
organisait le monde.

Par la
suite, Valérie-Péra Guillot a étudié le cas de Steve Jobs dont les inventions
symptomatiques subjectives ont contribué à la mise en place matérielle de
l’époque Geek. Basée sur la
biographie écrite par Walter Isaacson, l’analyse porta sur le modèle de
l’invention paranoïaque que l’on repère chez Jobs. En suivant Lacan, elle nous
proposa de considérer la manière dont le désir du père et de la mère du sujet
ont compté pour lui et comment, en conséquence, ce dernier s’est rapporté au
savoir, à la jouissance, à l’objet a.
Les différents événements de sa vie furent envisagés sous ce prisme.

Steve Jobs
était un homme habité de préoccupations spirituelles. Cela ne l’a pas empêché
de mener parallèlement une activité sociale. Il a reconnu que c’est grâce à sa
femme qu’il n’est pas devenu fou. La création d’Apple représentait sa croisade
contre les forces du mal, ses concurrents, afin que la créativité soit sauvée. Se
portant garant de celle-ci, il fit partager sa construction délirante à d’autres
geeks qui vinrent à lui dans le but de former les masses à une esthétique mondiale.
Dans sa perspective ceci impliquait de contrôler la liberté des utilisateurs.
Son entreprise fut le résultat en fin de compte de la rencontre d’un génie avec
le discours capitaliste.

Les
questions des participants donnèrent l’occasion à la conférencière d’éclaircir
quelques points concernant l’incroyance / certitude du sujet psychotique. Le
débat porta de même sur les éléments historiques de la biographie de Jobs en
rapport à son « invention », ses signifiants maîtres et la rencontre
traumatique de la langue avec le corps. La référence faite au discours du
Capitaliste retint l’intérêt de tous.

Nous
voudrions remercier vivement Valérie Péra Guillot pour ces deux journées si
riches, qui auront contribué à la diffusion de la clinique lacanienne à
Thessalonique. Elles nous auront offert aussi des directions pour orienter notre
travail en vue du prochain congrès de la NLS à Athènes.

 



traduit du grec par Roulie Christopoulou

membre de la Société Hellénique

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