TRACES – Claudia Iddan

Des pierres et des arbres

"L’écriture est une trace où se lit un effet de langage"
— Lacan, XX, 110





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Claudia Iddan
Des pierres et des arbres

Le peintre et sculpteur suisse Alberto Giacometti a introduit une nouvelle perspective dans le monde de la sculpture avec son style incomparable.  Plusieurs critiques d'art considèrent que ses sculptures sont le résultat des séquelles de la guerre, de la crise existentielle qu'elle avait créé. La dernière période de son art révèle par l'entrelacé de ses écrits, notes et sculptures, l'itération constante d'une trace devenue corps.  Les effets corporels de la langue d'un parlêtre peuvent se manifester non seulement sur son propre corps mais également sur le corps de sa création artistique, ici des corps humains amincis et stylisés, presque effacées par leur allongement.  Les figures deviennent une surface plate, rugueuse et squelettique au moyen desquelles il crée une conception singulière de l'espace.  Giacometti disait: "Toute sculpture qui part de l'espace comme existant est fausse, il n'y a que l'illusion de l'espace"[1].

Cette idée d'illusion, d'incapacité à décrire et à limiter l’espace, fait écho à ce que J.Lacan nous dit sur le fait que l'espace fait partie du réel.  Par ces corps-traces, le sculpteur essaie de cerner l'espace corporel.  Cette question revêt une importance considérable si on prend en compte ce que le sculpteur raconte dans l'un de ses textes: enfant, il percevait uniquement les objets qui lui procuraient du plaisir, notamment les pierres et les arbres. Il mentionne tout particulièrement sa rencontre avec un monolithe s'ouvrant à sa base sur une caverne qu'il considérait comme une amie.  En outre il avait trouvé dans le profondeur de celle-ci, une énorme pierre noire qu'il avait ressenti comme "un être vivant, hostile et menaçante" qu’il ne pouvait que fuir malgré son désir de s'en rapprocher. Cette expérience était restée un secret intime.  Dans son récit il ajoute qu'à la même période, il a essayé à plusieurs reprises de creuser un trou dans la neige et d'y placer un sac dans cet endroit chaud et noir. Il aurait voulu passer tout l'hiver là-bas, seul et enfermé. Une sorte de Fort-Da spatial qui cerne une écriture corporelle s'établit entre l'attirance et la fuite face à la menace. Son secret prend la forme de pierres et d'arbres sous la silhouette humaine.

Ces silhouettes sont ainsi la représentation des arbres et des pierres de son enfance consolidées par ses écrits. Elles portent la marque d'une rencontre inoubliable et révèlent en-corps l’os de leur secret.

 

[1] Giacometti, A., Ecrits, Hermann, Editeurs des sciences et des arts, 2001, p. 200.

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Stones and trees

The Swiss painter and sculptor Alberto Giacometti introduced a new perspective to the world of sculpture with his incomparable style.  Several art critics consider his sculptures are the result of the aftermath of the war, of the existential crisis it created.  The last period of his art reveals through the interweaving of his writings, notes and sculptures, the constant iteration of a trace that has become a body.  The bodily effects of the language of a speaking being can manifest not only on his own body but also on the body of his artistic creation, here thin and stylized human bodies, almost erased by their lengthening.  The figures become a flat, rough and skeletal surface through which he creates a singular conception of space. Giacometti said: “Any sculpture which starts from space as existing is false, there is only the illusion of space". [1]

This idea of illusion, of inability to describe and limit space, echoes what Jacques Lacan tells us about the fact that space is part of the real.  Through these body-traces, the sculptor tries to circumscribe bodily space.  This question is of considerable importance if we take into account what the sculptor recounts in one of his texts : as a child, he perceived only the objects that gave him pleasure, in particular stones and trees.  He specifically mentions his encounter with a monolith opening at its base on a cave he considered a friend. Furthermore, he had found in the depths of it, a huge black stone that he had felt as “a living being, hostile and threatening” that he could only flee despite his desire to approach it.  This experience had remained an intimate secret.  In his account he adds that at the same time, he tried several times to dig a hole in the snow and put a bag in that hot, dark place.  He would have liked to spend the whole winter there, alone and locked up.  A sort of spatial Fort-Da, that encircles body writing, is established between attraction and flight in the face of threat.  Its secret takes the form of stones and trees under the human silhouette.
 
These silhouettes are therefore the representation of trees and stones of his childhood consolidated by his writings. They bear the mark of an unforgettable encounter and reveal in-body the bone of their secret.
 
Translated by Peggy Papada

 

 

[1] Giacometti, A., Ecrits, Hermann, Editeurs des sciences et des arts, 2001, p. 200.

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