TRACES – Reginald Blanchet

Strip-tease

"L’écriture est une trace où se lit un effet de langage"
— Lacan, XX, 110



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Reginald Blanchet
Strip-tease

Le premier effet corporel du langage, son effet constituant, c’est, peut-on dire, « le corps qu’on a », c’est-à-dire qu’on voile. Invariant civilisationnel le vêtement est le signe par excellence de l’humanité au même titre que le langage et l’interdit de l’inceste. L’habit fait l’être parlant : la nudité est impossible. La mise à nu elle-même est encore vêture, revêtement de voiles. En se dévoilant le corps parlant ne peut jamais que se voiler encore et toujours. Il ne peut être que nude, il n’est jamais naked. Que le nu soit celui de l’athlète, de l’invite érotique, de la réalisation artistique, de l’écologie naturiste ou de la gestuelle pornographique, il est en effet discours toujours. Marqueur social de sa condition de citoyen de plein exercice en Grèce antique la nudité intégrale de l’athlète dans la palestre est le costume qu’il revêt comme sa parure. Le corps nu ici est synonyme de corps dûment façonné. Il est vêtement taillé sur mesure à même la chair selon un patron précis. C’est la musculature, la stature et l’harmonie des formes du corps. Le nu est ainsi toujours et partout en quelque manière revêtement.

Mais se voilant le corps parlant se dévoile. Ce que cèle le vêtement est aussi ce qu’il donne à voir : qu’il exhibe lourdement ou insinue à peine. Le vêtement conduit le regard. Il l’appelle et l’interdit, le leurre ou le gratifie. Revêtement ultime du corps parlant la nudité est donc coextensive au regard. Elle est fonction de regard. Elle est en cela jouissance pulsionnelle de l’objet regard. Le corps parlant en effet n’a, à proprement parler, jamais affaire qu’à sa mise à nu, soit à la mise en jeu de son être-regardé. Destin comique, dira-t-on en somme, que celui du corps parlant pris dès l’origine dans le tournoiement de la « danse des sept voiles » que nous conte la mythologie et que reconduit sans manquer le strip-tease continuel auquel le soumet sa condition. Il y puise sa jouissance. Elle est pulsionnelle, soit précisément l’effet du dire dans le corps.           

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Reginald Blanchet
Strip-tease

The first bodily effect of language, its constitutive effect, is, one might say, "the body one has", that is to say that one veils. A civilisational invariant, clothing is the sign par excellence of humanity just as language and the prohibition of incest. Dress makes the speaking being : nudity is impossible. Laying bare [a mise à nu] is itself still a clothing, a covering of veils. In revealing itself, the speaking body can only ever veil itself again and again. It can only be nude, it is never naked. [1] Whether the nude is that of the athlete, that of the erotic invitation, that of the artistic achievement, or that of the naturist ecology or of pornographic gestures, it is in fact always discourse. As a social marker of his condition as a full citizen in Ancient Greece, the athlete's complete nudity in the palestra is the costume he wears as his adornment. The naked body here is synonymous with a properly shaped body. It is a garment custom-made from the flesh according to a precise pattern. It is the musculature, the stature and the harmony of the body's forms. The nude is thus always and everywhere in some way covered.

But by veiling itself, the speaking body reveals itself. What the garment conceals is also what it gives to be seen: whether it heavily exhibits or barely insinuates. The garment leads the gaze. It calls and forbids it, lures or gratifies it. The ultimate covering of the speaking body, nudity is therefore coextensive with the gaze. It is the function of the gaze. It is in this way the drive jouissance of the object gaze. The speaking body is, strictly speaking, only ever concerned with its nudity, that is to say, with the putting into play of its being-seen. It is a comic destiny, one might say, that of the speaking body caught from the start in the whirling "dance of the seven veils" that mythology tells us about and that is constantly renewed by the continual strip-tease to which its condition subjects it. He draws his jouissance from it. It is the drive, precisely the effect of saying in the body.          
 
Translated by Linda Clarke
Reviewed by Eva-Sophie Reinhofer

 

[1] TN: Italicised words in English in the original.

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