Le degré zéro de la folie
À propos de Tout le monde est fou
Gil Caroz
L’aphorisme Tout le monde est fou ne concerne pas tous les êtres de la Terre, mais uniquement les êtres parlants qui obéissent tant bien que mal au code du langage et qui sont plongés dans un discours qui fait lien social. Certes, quand on parle, on irréalise les choses, on les rend inexistantes – c’est le sens même de la formule « le mot est le meurtre de la chose ». Mais, ce qui fait de celui qui parle un fou tient précisément à ce qu’en parlant et en rendant ainsi la chose inexistante, il lui procure un être. Nous connaissons l’exemple de madame Bovary [1], qui n’existe pas et n’a jamais existé, mais dont l’être est pourtant bien assuré par une œuvre qui lui donne corps. […]
[1] Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. L’Un tout seul », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université Paris 8, cours du 23 mars 2011, inédit.