NLS Congress – ORIENTATION 10

ORIENTATION – 10
 

 

 

 
 

 
 
 
« Est-ce déchiffrer les maladies mentales que de les reconnaitre et de les classer ? Il y a une grille qui permet de le faire, qu’ont élaboré au siècle dernier et encore au début du vingtième les psychiatres classiques. Grille qui n’est pas absolument homogène sans doute – la découpe de l’un n’est pas celle de l’autre, le symptôme mis en évidence ici est négligé là, des  noms propres épinglent des formes marquantes, mais nous n’y regardons pas de si près : le savoir de la psychiatrie classique se prête au manuel, et forme dans l’ensemble un corpus simple, solide, qui répond encore, grosso modo, aux exigences de la pratique quotidienne, et qui, j’ajouterais, ne sera pas remplacé, ne serait-ce que parce que la chimie ne laisse plus désormais le symptôme suivre son cours de la même façon.

 

Sans doute ce corpus psychiatrique est-il à Henri Rousselle la référence obligée  : c’est la doxa attachée au lieu. Mais elle ne me semble à vrai dire, pas moins présente dans les institutions qui la renient, puisque c’est elle qui motive et qui cadre l’hospitalisation. La renier, la nier purement et simplement, c’est seulement la dénier, et tomber d’autant plus sous son emprise. Il y faut plus de ruse.

 

Les questions de Lacan s’en supportent, de cette référence, elle donne son sens au supposé diagnostic qu’il profère. Mais curieusement, au moment où ce sens va prendre, se geler, il se trouve suspendu, il devient une question, il se retourne sur la référence qui l’inspire, il la met en cause, il la suspend. Je ne peux m’empêcher, quand je vois ça se faire, de songer à ce que Roland Barthes écrivait naguère de Brecht : qu’il savait d’un même mouvement affirmer et suspendre un sens, l’offrir et le décevoir. Toutes ses pièces, disait-il, se terminent implictement sur un « cherchez l’issue » adressé aux spectateurs.

 

Mais l’issue brechtienne, on la connait tout de suite, la pièce est faite pour vous persuader qu’elle est là, qu’elle existe, alors qu’ici, à la présentation, qui ne se persuade de la vérité de ce dit de Lacan, qu’il n’y a pas lieu d’avoir de l’espoir ? « La clinique, dit-il, c’est le réel comme l’impossible à supporter ». C’est cela, la dimension clinique est tragique. Elle l’est pour le patient, elle l’est aussi bien pour le thérapeute. N’est-ce pas ce qu’on vérifie tous les jours – que ce réel est insupportable aux thérapeutes, et d’autant plus qu’ils se dévouent davantage ? « Cherchez l’issue »… l’issue, c’est nous qui appelons cela comme ça ; l’issue, la sienne, ledit malade mental l’a déjà trouvée, c’est sa maladie. Et si nous cherchons l’issue pour lui, à sa place, eh bien, c’est peut-être notre façon à nous d’aller mal.

 

 

Si c’est là une vérité qu’on attrape à la présentation de Lacan, on voit bien qu’elle ne saurait faire l’objet d’un enseignement dogmatique, et qu’on la dénaturerait à la rendre exclusive, alors qu’elle n’est qu’une parmi d’autres. C’est assez néanmoins pour tempérer peut-être l’activisme spontané de ceux qui se vouent aux psychotiques. »

 
 
 
Jacques-Alalin Miller, « Enseignement de la présentation de malades”;
dans La conversation d’Arcachon, p. 288-289.
 
Extrait par Yves Vanderveken

 

 

 


 

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