Rapport du Séminaire Nouages à Athènes






SOCIÉTÉ
HELLÉNIQUE – NLS


Séminaire
Nouages à Athènes


Samedi,
le 22 septembre 2012


Rapport


Par
Despina Karagianni


Dominique
Holvoet,
président de la NLS, était l’intervenant principal du
séminaire
Nouages qui a eu lieu à Athènes le 22 septembre 2012.


Sa
présentation était
une introduction permettant d’orienter nos travaux en vue
du XIe
Congrès de la NLS qui aura lieu à Athènes, les 18 et 19
mai 2013.


Dominique
Holvoet a fait
le lien entre le congrès précédent (Lire un symptôme)
et
le prochain (dont le titre provisoire était : La
Psychanalyse et le sujet psychotique : De l’invention
forcée
à la croyance au symptôme 
;
et le titre définitif est :
Le sujet
psychotique à
l’époque
Geek :
typicité
et inventions symptomatiques).


Les points
principaux de
sa présentation se résument ainsi :


L’articulation
des deux
termes, Psychanalyse et Psychose doit être effectuée sur
la base
d’un renversement de perspective dans la psychanalyse qui
émerge
dans une série de substitutions.


La première
concerne la
substitution du terme d’« interprétation » par celui
de « lecture » du symptôme et est exprimée à travers
un déplacement de la clinique vers une nouvelle
orientation
« Au-delà du sens », au niveau de la matérialité de la
lettre.


Une
nouvelle substitution par le terme de « constat » vient
viser la marque du signifiant sur le corps. Cette marque
concerne le
moment mythique où le signifiant percute le corps
1.


Nos
travaux « 
vers Athènes » vont
prendre la forme d’une enquête autour de la question
suivante :
quelles sont les conséquences d’un tel renversement de
perspective
au sujet de la psychose ?



La
psychanalyse n’envisage pas la psychose comme une
catégorie
distincte, mais elle s’intéresse à la manière dont
chaque sujet,
s’appuyant sur son symptôme, s’insère dans la
civilisation.
Cette insertion présuppose, d’une part, la capacité de
l’usage
d’une langue commune qui garantit le lien social, et,
d’autre
part, une langue privée constituée par l’écriture du
symptôme
2


Chez Freud,
l’universalité de l’Œdipe était posée comme un « appareil
civilisateur » qui réglait les jouissances à l’aide de
l’interdiction. À cette époque la figure paternelle avait
déjà
commencé à s’ébranler. La psychanalyse se déplace alors de
la
dimension du conflit psychique vers l’enveloppe
formelle
du symptôme
comme mode de traitement de la pulsion.


Pendant la
période
classique de Lacan, la valeur symbolique de la figure
paternelle est
relevée. La fonction de la métaphore paternelle règle la
jouissance et stabilise les significations en leur donnant
une valeur
phallique. L’échec de cette fonction fait que le sujet ne
peut pas
trouver refuge dans la langue pour régler les phénomènes
de
jouissance. Les conséquences qui en résultent agissent non
seulement sur le corps mais sur le code même de la langue,
en le
transformant en un néo-code.


Jacques-Alain
Miller
pointe une deuxième métaphore dans laquelle la figure
paternelle
donne sa place au Nom-du-Père, un signifiant qui peut être
remplacé
par d’autres signifiants maîtres. La psychose est
caractérisée
par une jouissance qui n’arrive pas à passer « toute »
sous le régime du Nom-du-Père. Lacan la nomme « non
négativable ».


On
remarque donc que l’Autre de la deuxième métaphore
n’est pas de
l’ordre du Un, il est au contraire barré,
inconsistant. Lacan
propose l’écriture :

, un mathème
3
qui peut également s’écrire ainsi :
Α
barré

/ –
φ.
Dominique Holvoet propose une écriture plus simplifiée
du A barré
/
φ :
A barré / j.


Nous
passons du Nom-du-Père comme Autre consistant à sa
pluralité. Par
conséquent, il y a plusieurs façons de significantiser
la
jouissance, et non pas uniquement la façon paternelle.
Alors que
chez le Lacan classique, le traitement du réel se
faisait à partir
du signifiant, ce traitement est désormais attendu de
l’ensemble
du champ de la langue. En fait il semblerait que ce
soit le réel qui
traite le signifiant, une constatation qui conduira
Lacan à faire de
la langue un
organe.
Dans
l’
Étourdit
nous lisons : « du fait qu’un animal à stabitat qu’est
le
langage, que d
e
labiter, c’est aussi bien ce qui pour son corps fait
organe –
organe qui pour ainsi lui ex-sister, le détermine de
sa fonction, ce
dès avant qu’il la trouve. C’est même de là qu’il est
réduit
à trouver que son corps n’est pas sans autres organes,
et que leur
fonction à chacun, lui fait problème, – ce dont le dit
schizophrène
se spécifie d’être pris sans le secours d’aucun
discours
établi. »
4


Dans la
mesure où
l’Autre n’existe pas, cet Autre n’est donc qu’une
invention.
Une cure psychanalytique consiste en cette invention. La
psychanalyse
ne concerne plus la production de significations, mais
plutôt une
réconciliation avec notre langue privée, avec l’Autre que
nous
avons inventé. Le sujet est poussé à faire de la langue
son
instrument, à bricoler.


On
pourrait résumer ainsi les deux périodes de Lacan –
 de
la première à la deuxième métaphore :




Lacan
classique – 1ère métaphore

Question préliminaire à
tout traitement possible de la psychose

Dernier
Lacan – 2e métaphore

Subversion du sujet et
dialectique du désir

Interprétation

Désir

Constat

Jouissance

Le Réel est
réglé par :

Le
Signifiant

Le
signifiant est réglé par :

La Lettre

Le Réel

L’Ordre
symbolique

Les
Discours

Le Bricolage

Le
Semblant

Le Symptôme


La
croyance au symptôme,
une formulation d’Éric Laurent, concerne une invention
forcée.
Cependant, tous les sujets ne disposent pas des discours
établis
pour appuyer leur invention. Dominique Holvoet pose une
série de
questions
qui doivent être
considérées
en vue de notre recherche sur la psychose : dans quelle
mesure
doit-on croire à son symptôme pour que celui-ci puisse
fonctionner ? Qu’en est-il du Nom-du-Père dans la psychose
ordinaire, un cas de psychose dont il s’agit de tirer les
leçons
sans la généraliser pour tous ? Comment se transforme le
Nom-du-Père chez le sujet contemporain ? Enfin, comment le
Nom-du-Père continue de fonctionner alors qu’il est plus
ordinaire?



Le rôle du
psychanalyste
est fondamental : il doit constituer une borne à l’errance
du
sujet psychotique. Tandis que le psychanalyste a perçu
l’inexistence
de l’Autre, il s’en sert comme instrument. Dominique
Holvoet
conclut que, dans une analyse, il ne s’agit pas de tuer le
père
– cela ne conduirait absolument pas à la mort de la
libido.
Ce que Lacan appelait « psychanalyse pure » demande tout
d’abord la réduction du père à la dimension du semblant
et, par
la suite, faire de même pour le discours de l’analysant.
Ceci mène
à une invention qui constitue la dignité d’un symptôme
irréductible.


_________________________________________________________________


Dans la
partie clinique
du Séminaire, Zvili Cohen, psychologue, membre du GIEP
(Israël) de
la NLS, a présenté le premier cas clinique, avec le titre
« Trop
peu, trop tard – traces du temps ».


Il s’agit
d’une femme
dont le symptôme principal est sa difficulté à gérer et à
calculer le temps. Être la fille aux yeux de sa mère
constituait
une sorte de compensation imaginaire pour elle. Après la
mort de sa
mère, un chien a pris la place du substitut phallique et
de cette
manière une stabilité rudimentaire a été obtenue. Après la
mort
du chien, la patiente a commencé à souffrir de quelque
chose
qu’elle appelait une « dépression ». Des années
après, quand elle a été confrontée à la mort de son
deuxième
chien ainsi qu’à son incapacité d’être mère, elle a
commencé
une psychothérapie.


Tout au long
de sa vie le
sujet était submergé par la jouissance du « mort-vivant ».
Elle oscillait. Son rapport symptomatique avec le
temps est
lié à sa rivalité avec sa belle-mère, la présence de
laquelle
cause une sorte d’hémorragie de l’héritage maternel et par
conséquent du sujet lui-même. Il semble que le
psychanalyste
fonctionne comme un pilier pour le sujet. Les
séances
prennent le statut d’une ponctuation dans l’oscillation
dans le
temps.


___________________________________________________________________


Le deuxième
cas clinique
portant le titre « Ulysse ou l’artiste et son
objet
 » a été présenté par Hélène Molari,
psychiatre,
praticien hospitalier à l’Hôpital psychiatrique d’Attique
et
membre de la Société hellénique de la NLS. Dans ce cas, il
s’agissait d’un sujet maniaque qui avait été hospitalisé
et
était suivi par la thérapeute depuis son hospitalisation.


Hélène Molari
a d’abord
esquissé la phénoménologie du cas clinique selon
Kraepelin. Par la
suite, elle a présenté la construction de la problématique
subjective par rapport à l’objet selon Lacan.


Le sujet
était stabilisé
jusqu’à l’âge de 40 ans ayant comme soutiens imaginaires
son
père et son art puisqu’il était scénographe et peintre.
L’invasion de la technologie digitale dans le champ de
l’art
ainsi qu’une certaine confrontation avec son père, ont été
un
coup pour lui et l’ont amené à dévaloriser les seules
solutions
qu’il avait.


Dans ce cas
clinique,
l’échec de l’objet a à condenser la jouissance,
laisse
le sujet exposé à une interminable métonymie de la chaîne
signifiante et à une excitation sans limites du corps. Le
thérapeute, étant l’Autre qui n’exige pas mais garantit
l’ordre
des choses, accompagne le sujet dans son effort à créer un
sinthome
de sorte que le signifiant et la jouissance arrivent à
coexister
dans le lien social. Du moment que le sujet a à sa
disposition un
répertoire d’objets réels, la création artistique
fonctionne de
façon à limiter la jouissance à travers la ponctuation
d’une
nomination.



Bibliographie
française

Lacan
J., « Question préliminaire à tout traitement possible de
la
psychose » (1958), Écrits, Paris, 1966, p. 557.

Lacan
J., « Subversion du sujet et dialectique du désir »,
Écrits, Paris, 1960, p. 819.

Miller
J.-A., « L’invention psychotique », Quarto no
80/81, 2004, p. 6-13.


Bibliographie
anglaise

Lacan,
J., (2006). On a Question Prior to Any Possible
Treatment of
Psychosis (1958).
Ecrits. Norton, pp.
464.


Lacan, J.,
(2006).
The Subversion of the Subject and the Dialectic of Desire
(1960).
Ecrits. Norton, pp. 694.

1 Le corps doit être conçu ici comme un
ensemble d’organes dont la fonction est à trouver.


2 Le symptôme est à entendre comme lien social
alternatif.


3 Lacan J., « Subversion du sujet et
dialectique du désir »,
Écrits, éd. du
Seuil, Paris, 1960, p. 819


4 Lacan J.,
« L’étourdit »,
Autres Ecrits, éd. du
Seuil, Paris, 2001, p. 474.


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