TRACES – Lieve Billiet

« Buster »

"L’écriture est une trace où se lit un effet de langage"
— Lacan, XX, 110



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Lieve Billiet
« Buster »
 

Né Joseph Francis Keaton, c’est à une formidable dégringolade (buster) à l’âge de six mois, du haut d’un escalier, dont il sort sans la moindre blessure, qu’il doit son nom d’artiste[1]. Scène inaugurale, rencontre d’un signifiant et d’une expérience de corps, fixant une expérience de jouissance en l’articulant à une fiction d’invulnérabilité.
 
Tout jeune, il intègre le théâtre de vaudeville de ses parents et emmènera Les trois Keatons à un succès inouï. Affiché comme “serpillière humaine”, “projectile humain”, ou encore “Le garçon qui ne peut être blessé”, il y est l’objet des manipulations de son père. Celui-ci le jette dans la fosse d’orchestre, l’emploie comme chiffon à poussière, sac à patates ou ballon de foot[2]. Et tout en s’amusant, selon son propre dire, plus il garde le visage impassible, plus les spectateurs rient. Cela lui vaudra cet autre nom : The Great Stone Face.  Maltraité par son père “pour rire”, jeté comme la bobine du Fort-Da, c’est bien un “message de jouissance” qui est à l’avant-plan et non un message d’amour[3]. Une jouissance qui ne se localise pas dans l’image du corps, et qui n’est pas negativée par la castration.
 
A 21 ans, il part à New York où Roscoe Arbuckle lui apprendra tout sur la construction d’un film et le maniement de la caméra. Le style de ses propres films, 19 court-métrages et 12 long-métrages, se démarquera pourtant nettement du style de son maître.  A la profusion et l’éclatement narratif de la majorité des films de Fatty s’oppose la rigueur, l’unité, la limpidité des films de Keaton, merveilles de rythme, de logique et de géométrie[4]. Il développera « un style unique, fondé sur la virtuosité d’un corps en mouvement, éprouvé, en plans d’ensemble, par un espace qu’il peine à dominer »[5]. Impassible et infatigable, aux prises avec un monde, avec les objets et les autres, le héros keatonien, pragmatique, s’adapte, et par là triomphe[6].
 
Refusant de se faire doubler par un stuntman pour des exploits extraordinaires, il échappera de peu à la mort à plusieurs reprises lors des tournages. Non pas forcément aux accidents. Seulement, la fracture d’une vertèbre cervicale ne sera découverte que des années plus tard et par hasard lors d’une radiographie.
 
Keaton réussira à élever un escabeau ce qu’il a de plus singulier, jusqu’à ce qu’un nouveau style de gestion chez MGM se soldera par la perte de toute indépendance. Privé de son style, de son personnage, de sa méthode de travail, on ne retrouvera plus rien de son génie dans tout ce qui suivra.

 

[1] B. Keaton & C. Samuels, My wonderful world of slapstick, Da Capo Press, 1982, p. 20
[2] S. Goudet, Buster Keaton, Cahiers du Cinéma, Paris, 2007, p. 12
[3] J.-A. Miller, L’image du corps en psychanalyse, La Cause freudienne, 68, p. 95
[4]  S. Goudet, o.c. , p. 19
[5] Ibid., p. 9
[6] J.-P. Coursodon, Buster Keaton, Paris, Atlas/Pierre Lerminier, 1986
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Lieve Billiet
"Buster"

Born Joseph Francis Keaton, he owes his name as an artist to a formidable tumble (buster) at the age of six months, from the top of a staircase, from which he emerged without the slightest injury[1]. This was the inaugural scene, the meeting of a signifier and an experience of the body, fixing an experience of enjoyment by linking it to a fiction of invulnerability.

As a young man, he joined with his parents' vaudeville theatre troupe and led The Three Keatons to unprecedented success. Labelled as a "human mop", "human projectile", or "the boy who can't be hurt", he is the object of his father's manipulations. He throws him into the orchestra pit, uses him as a dust rag, a potato sack or a football[2]. And while he is having fun, according to his own words, the more he keeps his face impassive, the more the audience laughs. This earned him another name: The Great Stone Face.  Mistreated by his father “for laughs”, thrown away like the bobbin of Fort-Da, it’s a “message of jouissance” that is at the forefront and not a message of love[3]. A jouissance that is not localised in the image of the body, and that is not negated by castration.

At the age of 21, he moves to New York where Roscoe Arbuckle taught him everything about film making and camera work. The style of his own films, 19 short films and 12 feature films will nevertheless be clearly different from his master's style.  The profusion and narrative explosion of most of Fatty’s films is contrasted with the rigour, unity and clarity of Keaton's films, marvels of rhythm, logic and geometry[4]. He will develop "a unique style, based on the virtuosity of a body in motion, tested in long shots by a space that it struggles to dominate"[5]. Impassive and indefatigable, grappling with a world, with objects and with others, the Keatonian hero, pragmatic, adapts, and thus triumphs[6].

Refusing to be doubled by a stuntman for his extraordinary exploits, he narrowly escapes death on several occasions during filming. Not necessarily from accidents. The fracture of a cervical vertebra was only discovered years later by chance during an X-ray.

Keaton was able to elevate an escabeau that was exceptionally singular, until a new management style at MGM resulted in the loss of all independence. Deprived of his style, his character, his working method, none of his genius will be found in anything that follows.

Translation: Raphael Montague

[1] B. Keaton & C. Samuels, My wonderful world of slapstick, Da Capo Press, 1982, p. 20.
[2] S. Goudet, Buster Keaton, Cahiers du Cinéma, Paris, 2007, p. 12.
[3] Miller, J.A., The Image of the Body in Psychoanalysis, Transl. A. Alvarez in Lacanian Ink 40, Fall 2012, pp. 14-31.
[4] S. Goudet, op. cit. p. 19.
[5] Ibid. p. 9.
[6] J.-P. Coursodon, Buster Keaton, Paris, Atlas/Pierre Lerminier, 1986
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