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Sexualidad        Amor         Tiempo       Nombre-del-padre ?        Disrupción        Ciencia
 
 
 
 
 
Édito – Hors sexe ? Pas sans désir
Par Cecilia Naranjo

 
Cette seizième édition d’OMBILIC propose, à partir de la procréation hors-sexe rendue aujourd’hui possible par les progrès de la science, une déclinaison d’éclairages quant à la mise en jeu du désir d’enfant.

C’est dans une toile de Sandro Botticelli, dépeignant le mystère connu sous le nom de Colloque angélique, que Vicente Palomera déplie le trouble de Marie, confrontée à l’épreuve de son désir. Ce trouble, ou Conturbatio, première condition avancée par les prédicateurs au mystère de l’Annonciation, n’est pas sans faire écho à l’émoi évoqué par Lacan dans le Séminaire X lorsque la décision critique de consentir à son propre désir surgit

Après la peinture, c’est au cinéma que nous invite Valérie Bussières, avec Le Déjeuner sur l’herbe de Jean Renoir…

 
 
 
 
 
 
 

 
 

Enunciar el deseo de hijo
Por Vicente Palomera
 
¿Cómo, cuándo, de qué modo anunciar un embarazo? Anunciarlo supone una enunciación que pone a prueba el deseo de ser madre, lo que implica atravesar la inquietante confrontación de la madre con su deseo…

 
 
 
 
 
 
 

 
 

Ezer kenegdo – Helpmeet against him
By Susana Huler
 
In our time, as we repeatedly see, procreation is conceived as separated or not necessarily connected with a sexual act. We also see an increasing practice of sexual encounters meant to be contingent…

 
 
 
 
 

 
 

Vérités indomptables
Par Valérie Bussières
 
Telle l’Immaculée Conception, Nénette veut un enfant sans homme et sans rapport sexuel. Ce n’est pas la sexualité sans la procréation, mais la procréation hors sexe. C’est l’enfant « pris […] comme Un-tout-seul…

 
 
 
 
 
 
 

 
 
 

D’elle, j’aurai moi aussi des fils
Par Cinzia D’angelis
 
Dans le régime de Gilead dépeint par Margaret Atwood dans son roman La servante écarlate, certaines femmes sont devenues des Servantes forcées à produire des nouveau-nés destinés aux futures mères que sont les Épouses…

 
 
 
 
 
 
YouTube Channel – Adam Lewack
L'abolition de l'incertitude de la paternité

 
 
 
 
Bibliography
“Psychoanalysis has known how to be a refuge against the discourse of science, and against the discourse of science in so far as it gains the different human activities, that is to say, in particular, that it has won against medicine, and that psychoanalysis has taken charge of the residue, the unscientific residue of medicine, which cannot be scientificized, that is to say what, as Lacan says in Television, what of medicine operated by words, what in medicine operated by transference. Psychoanalysis has taken charge of this residue, it is that residue.”

Miller, J.-A., “L’orientation lacanienne. Un effort de poésie”, Leçon du 13 novembre 2002, 2002-2003, enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université de Paris VIII, inédit.

 
 
 
Journal de la création
Nancy Huston
 
Cet essai autobiographique porte sur les rapports entre la procréation et la création. Nancy Huston y fait le double récit de sa propre expérience à cet égard et de celles d’autres femmes, à partir d’études biographiques extrêmement documentées de la vie de couples d’artistes (écrivains, peintres, philosophes) célèbres. La chronique de sa grossesse, rythmée par ses événements organiques et psychiques…

 
 
 
 
 
 
 

 
 

L'artiste du jour
Dominique Sonnet
 
Avec l’artiste belge Dominique Sonnet, nous entrons dans le monde sensible dont le mystère reste entier. Ses photos et ses peintures convoquent le…

 
 
 
 

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 Dimanche 30 mai : Saint – Pétersbourg 

Journée d'étude 

  L'interprétation lacanienne

 avec Ruzanna Hakobyan

L'heure : 15h ( Saint-Pétersbourg)

En russe  – via Zoom  

Inscription: 4173013@gmail.com

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LA PASSE DANS NOTRE ÉCOLE (NLS)

L'ENSEIGNEMENT DES A.E.


9 avril

14h Montréal, 7 PM Dublin, 21h Athènes, 20h Bruxelles

Par Zoom

 

 

Le fantasme fondamental

fracturer, traverser, désactiver

Dossia Avdelidi, Florencia F.C. Shanahan, Anne Béraud
Extime – Anne Lysy


ARGUMENT

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English – Français
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"L’écriture est une trace où se lit un effet de langage"
— Lacan, XX, 110



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NLS Congrès présente

Maria Cristina Aguirre
Motérialité de la Voix[1]
Vers un repérage et un usage de son impact sur le corps

Alexandre Stevens commence son argument vers le Congrès de la NLS 2021 “Effets corporels de la langue” en disant que “la langue, la parole, le discours ont des effets sur le corps” et il précise que, tout au long de l’enseignement de Lacan, les effets de la langue sur le corps sont présents, mais de manière différente, qui va de la mortification signifiante jusqu’à l’effet de jouissance que le signifiant a sur le corps. [2]  
 
Cette connexion entre langue, parole et discours est à la base même et la condition qui permettent au travail psychanalytique de se faire. Alexandre Stevens retrace comment la connexion entre corps et langage, parole et discours, change de façon diachronique mais est toujours présente, jusqu’au dernier enseignement de Lacan.
 
Cette phrase initiale de l’argument du Congrès de la NLS est reprise dans l’argument de ce Séminaire Nouages.  L’argument met l’accent sur le support de la langue, la parole et le discours : « Ils sont construits avec des sons dont le support est la voix ».  Cela concerne non seulement les analysants, mais aussi le psychanalyste, car nous intervenons avec notre voix, avec des sons, des grognements ou d’autres manifestations sonores, pour produire un effet sur celui qui vient nous voir.
Dans de nombreuses présentations de cas cliniques, dans les témoignages de passe, et dans notre propre analyse, tant celle que nous avons suivie nous-mêmes, que celles que nous menons avec nos patients, ces manifestations de la voix sont présentes.
 
L’argument de ce Séminaire Nouages met l’accent sur un double aspect de l’effet de la langue, avec son support de la voix, sur le corps : d’un côté, l’aspect de jouissance, et de l’autre, l’aspect traumatique: « Les mots auxquels a affaire l’infans pleuvent de manière contingente, mais comme un orage de météorites, sur sa chair ». Et il ajoute que Lacan précise que « ce n’est pas le sens des mots qui impacte cette chair…mais la jouissance…soit le réel de la langue qui l’accompagne dans sa matérialité, dans sa ‘motérialité’ ».
 
Nous voyons là ce passage du sens, de la signification, vers le côté réel de la langue, la jouissance, c’est-à-dire, le non-sens, parfois le hors-sens.
 
L’argument met aussi l’accent sur l’aspect du « choix », « le mystère d’un choix ». Il me semble qu’ici il faudrait peut-être introduire une distinction, entre l’impact que la langue a sur le parlêtre, la rencontre du sujet avec les signifiants qui, de manière contingente, ont affecté son corps, mais aussi sa vie, et le « choix », qui serait du côté de l’analyste.
 
La voix a été introduite dans la psychanalyse de façon primordiale par Lacan. C’est lui qui introduit la voix et le regard et les ajoute aux objets pulsionnels isolés par Freud :  l’objet oral et l’objet anal.
 
Miller nous dit que nous devons cela à la formation psychiatrique de Lacan et son travail avec les psychotiques, chez lesquels la voix et le regard prennent un rôle très important, notamment sous la forme des hallucinations, verbales/auditives et visuelles.
 
Lacan extrait ces deux objets, regard et voix, du contexte psychiatrique et du domaine de la perception, pour leur donner un autre statut, celui des objets de la pulsion, mais aussi, comme il le développera, celui d’objet a.
 
Nombre de nos patients, parlent des voix qu’ils entendent, des voix qui disent leur nom, qui les appellent, ou des voix, plus méchantes, qui insultent, qui disent des injures, qui dénigrent le sujet : « Tu es nul », « Tu es bon à rien », « Tu es moche », ou plus meurtrières, donnent des indications/ordres de se tuer ou se faire mal, ou de tuer/frapper quelqu’un. Dans de nombreux crimes passionnels, le sujet reporte avoir reçu des ordres pour le faire, par quelqu’un, un esprit, un dieu, une présence.
 
Dans l’article « Jacques Lacan et la voix » [3] Miller examine comment Lacan donne à la voix le statut d’un objet. Miller avance que l’objet voix passait inaperçu tant que la perspective dominante était celle de la diachronie chronologique des relations objectales, et qu’il a fallu changer de perspective vers une articulation structurale. Cette perspective structurale est inaugurée par Lacan en donnant à l’inconscient son statut de structure langagière.
 
Miller propose que Lacan situe l’objet à partir de la structure linguistique, en s’éloignant de la perspective de relation objectale et développementale ; il n’y a pas un stade vocal ou scopique comme il y a un stade oral et anal.
 
La voix comme objet a

Quand Lacan situe la voix comme un objet a, ce dernier n’appartient pas au registre sonore. Dans ce sens, les considérations au sujet de la voix sont nombreuses, en commençant par le son comme distinct du sens, de la signification, ou comme toutes les modalités d’intonations. La même phrase, les mêmes mots, les mêmes paroles, peuvent prendre différentes significations selon l’intonation qu’on leur donne. Ça peut prendre la signification d’un ordre, d’un reproche, d’un appel, d’une demande, d’un message d’amour, entre autres.
 
Ce que Lacan met en avant dans la voix comme objet a, c’est une fonction, la fonction de la voix comme a-phone.
 
Nous savons l’importance que peut prendre, dans une séance d’analyse, le silence. Il y a longtemps, j’ai reçu dans le Centre médico-psycho-pédagogique où je travaillais, une jeune adolescente,  dont on pourrait dire aujourd’hui qu’elle avait des troubles d’identité sexuelle. Elle avait l’allure d’un garçon, cheveux courts, habillée comme un garçon et avait des gestes corporels masculins. Sa mère l’avait amenée en consultation car elle était gênée d’accompagner sa fille dans les magasins, car cette dernière ne voulait aller que dans la section des vêtements pour garçons. Je l’ai reçue pendant une année, elle s’asseyait devant moi et ne disait pas un mot pendant la séance. J’ai tout essayé, sans résultat. Je me  demandais pourquoi elle venait. Et puis, j’ai pensé que, si elle ne voulait pas venir, on n’aurait pas pu l’amener de force. Donc, j’ai toléré son silence pendant toute l’année. Vers la fin de l’année scolaire, avant la coupure des grandes vacances scolaires d’été, la mère m’a informée que sa fille avait très bien réussi son année scolaire et qu’elle était très appréciée par ses camarades, au point qu’elle avait été élue présidente de sa classe.
 
Miller souligne que les objets a sont liés au sujet du signifiant seulement à condition qu’ils soient dépourvus de toute substantialité, c’est-à-dire à condition qu’ils soient centrés par un vide, celui de la castration. Chaque objet est spécifique d’une certaine matière, mais il est spécifique de cette matière en la vidant. L’objet a a une fonction logique, il a une consistance logique qui trouve son incarnation dans ce qui se détache du corps sous les différentes formes du déchet.
 
Miller dit que le critère pour donner la lettre a à certains objets c’est qu’ils soient une petite chose qui puisse se détacher du corps.
 
Miller propose que la voix mérite d’être posée comme un troisième terme entre la fonction de la parole et le champ du langage. La fonction de la parole étant ce qui confère du sens, elle noue le signifié et le signifiant. Ce nouage nécessite un troisième terme, la voix. On peut, dit Miller, dans un premier abord, définir la voix comme ce qui, dans le signifiant, ne participe pas  à l’effet de signification.
 
La voix, comme objet a c’est ce qui, dans le signifiant, ne contribue pas à l’effet de signification. La voix est un reste. La voix lacanienne n’est pas la parole, n’a rien à avoir avec parler. La voix, c’est une fonction du signifiant, de la chaîne signifiante en tant que telle, pas seulement comme parlé et entendu, mais aussi comme écrit et entendu.
 
La perspective lacanienne, c’est que, dans toute chaîne signifiante, il y a plusieurs voix.
La voix apparaît dans la dimension d’objet, quand c’est la voix de l’Autre, la voix vient de l’Autre. La voix est précisément ce qui ne peut pas être dit.
 
C’est par ce biais-là que nous pouvons aborder ce que Lacan apporte dans son dernier enseignement, au sujet de la motérialité.
 
La voix, dans l’enseignement de Lacan, n’a pas un sens unique, mais elle prend différentes fonctions, statuts, selon les différents moments, non seulement de l’enseignement de Lacan, mais de différents moments cliniques dans une cure.
 
La voix habite le langage et le persécute. Il y a un côté persécuteur de la voix.
Si nous parlons, bavardons, chantons, la thèse de Lacan, dit Miller c’est pour faire taire ce qui mérite d’être appelé la voix comme objet a.
 
Avoir un corps

A partir du Séminaire XXIII, le Sinthome, Lacan met l’accent sur le fait d’avoir un corps, et non pas d’être un corps.
Le fait d’avoir un corps donne lieu à toute une série de phénomènes et d'événements.
Comme Jacques-Alain Miller le montre dans son cours d’orientation lacanienne, et surtout les cours dédiées à la Biologie Lacanienne[4], Lacan va mettre l’accent sur la satisfaction dans le dernier temps de son enseignement.
 
Alexandre Stevens l’isole bien dans son argument pour le Congrès de la NLS 2021 : « Cela le conduit à passer du concept du langage à celui de lalangue, c’est-à-dire de poser que le signifiant comme tel travaille non pour la signification mais pour la satisfaction. Ce qui va dans le sens de poser une équivalence entre signification et satisfaction ».
 
Nous voyons dans l’enseignement de Lacan, comme le soulignent Miller et Stevens, deux définitions du symptôme : d’une part, le symptôme comme avènement de signification et d’autre part, le symptôme en tant que saisi par la jouissance et donc évènement de corps.
Le symptôme comme avènement de signification, c’est le symptôme classique avec des effets de vérité et donc interprétable.
 
Le symptôme, comme événement de corps, est jouissance, il affecte le corps et il est « pure réitération de l’Un de jouissance que Lacan appelle sinthome ». [5]
Ainsi considéré, le sinthome, il s’agit moins de trouver à l’interpréter, de trouver des significations et de produire des effets de vérité que de toucher à la jouissance, au réel, et à la répétition, par le son, l’homophonie et de faire résonner un son.
 
Anne Lysy [6] soutient, dans l’introduction à une conversation des AE, que, dans l’interprétation, à partir du dernier enseignement de Lacan, il s’agit moins de produire des effets de vérité, à l’infini, nourrissant le sens, que de toucher au mode de jouir de chacun. Il y a des mots qui frappent et qui font résonner la cloche de la jouissance, selon l’expression de Jacques-Alain Miller. [7]
 
Dans cette même introduction, Miquel Bassols parle des mots parasites, qui parasitent le corps d’une jouissance impossible à dire. Quelque chose cloche dans la jouissance. La cloche, c’est l’espace vide de la jouissance qui est encadrée par le fantasme. Le battant de la cloche de la jouissance est l’objet a. Ce battant reste silencieux s’il n’est pas actionné par un signifiant qui ébranle le cadre du fantasme. Et Bassols ajoute que cela n’arrive que, parfois, à la fin d’une analyse.
 
Cette idée du langage parasite, nous dit Miller[8], nous la trouvons dans le dernier enseignement de Lacan. Lacan renoncera même au concept du langage, ou il tentera d’aller en deçà de ce concept pour désigner ce qu’il appelle la lalangue (en un seul mot), lalangue qui se différencie du langage en ceci qu’elle est précisément sans loi. Le langage est conçu alors comme une superstructure des lois qui capturent la lalangue en tant que sans loi. L’interprétation porte sur l’objet a du fantasme, sur la jouissance en tant qu’interdite et dite entre les lignes.
 
Rapport du corps et du langage.

Yves Vanderveken[9] nous dit qu’un lien social, c’est une forme par laquelle un être parlant est à la tâche de trouver à s’insérer et à nouer son corps vivant au signifiant – l’instrument du langage – en tant que le langage est de l’Autre. Mais ce nouage n’est jamais abouti, donc il est toujours symptomatique.
 
C’est le champ de la rencontre du corps vivant, du signifiant et du rapport à la jouissance qui en découle. Un corps ne se constitue que par l’élection et l’extraction d’un objet, à la fois hors-corps, mais aussi du corps, en tant qu’inséparable de lui par son recollement incessant.
 
Ce sont des objets marqués des signifiants de l’Autre, qui, dans leur fonction, par la charge de jouissance répétitive qu’ils condensent, dessinent un circuit pulsionnel singulier. C’est pour cela qu’à chacun de nous correspond un mode de jouissance singulier, en fonction de la contingence de la rencontre avec les mots et les objets a qui ont percuté notre existence.
 
Miquel Bassols[10], souligne que c’est l’expérience d’écriture de James Joyce qui a montré à Lacan qu’il n’y a pas de troubles du langage proprement dits, mais que le langage lui-même est le trouble, un trouble dont on peut, dans le meilleur des cas, faire un sinthome, une façon de jouir singulière au sujet.
 
Le langage et l’équivoque signifiante introduisent un abîme dans le réel, une dimension chez l’être parlant qui le fait aussi sujet de jouissance, une jouissance aussi irréductible que le langage lui-même. La psychanalyse montre l’inguérissable de ce trouble (du langage) chez l‘être parlant. C’est un abîme introduit dans le réel par le fait du langage, par le fait de l’être parlant.
 
Nous voyons ainsi comment la perspective change, du trouble du langage, comme manifestation symptomatique et signe d’un désordre particulier chez quelques-uns, vers une condition généralisée pour tout être parlant, pour le parlêtre.
 
Dans le Séminaire XXIII « Le sinthome », Lacan[11] se pose la question de savoir pourquoi un homme normal, dit normal, ne s’aperçoit pas que la parole est un parasite, que la parole est un placage, que la parole est la forme de cancer dont l’être humain est affligé. Un peu plus loin, dans le même chapitre Lacan parle de l’écriture : « C’est par l’intermédiaire de l’écriture que la parole se décompose en s’imposant comme telle, à savoir dans une déformation dont reste ambigu de savoir s’il s’agit de se libérer du parasite parolier…ou au contraire de se laisser envahir par la propriété d’ordre essentiellement phonémique de la parole, par la polyphonie de la parole » [12].
 
Motérialité

Éric Laurent fait référence aux différents forçages dans le langage, qui impliquent par exemple l’homophonie qu’un forçage orthographique permet de faire apparaître. « Ces différents forçages permettent de créer la lalangue que chacun parle pour l’habiter de façon vivante. Elle implique un rapport particulier du signifiant avec la motérialité de la lettre. C’est encore une autre façon d’aborder la poétique particulière de l’inconscient et le statut de poème qui le traverse » [13].
 
Lacan[14] utilise le mot « motérialité » dans la conférence de Genève de 1975,  sur le symptôme : « C’est la façon dont la langue a été parlée et aussi entendue pour tel et tel dans sa particularité, que quelque chose ensuite ressortira en rêves, en toutes sortes de trébuchements, en toutes sortes de façons de dire….c’est dans ce motérialisme que réside la prise de l’inconscient – je veux dire que ce qui fait que chacun n’a pas trouvé d’autres façons de sustenter que ce que j’ai appelé tout à l’heure le symptôme ».
 
Marie José Asnoun[15] examine la question de l’écoute et du langage. Le langage est déjà là quand le sujet émerge dans le monde, quand le sujet est né comme organisme. Elle soutient que cette thèse nous permet de considérer la voix comme une chaîne signifiante. La voix dans le sens lacanien n’est pas le sujet de la perception. L’acte d’entendre n’est pas passif.  Le sujet décide de ce qu’il entend, le choix est partiel mais réel.
Les paradoxes concernent le discours de l’Autre et la perception du sujet de son propre discours. Du moment que l’Autre parle, le sujet tombe sur le sort, l’envoûtement, la suggestion, car tout discours de l’Autre implique une suggestion qui fait vaciller la liberté de celui qui écoute.
 
Quand le sujet écoute, cela a pour effet de situer le sujet en position de défense fondamentale par rapport au discours de l’Autre. C’est dans ce sens-là que nous pouvons « entendre » l’idée de mots qui frappent, qui percutent le corps et qui produisent des événements de corps.
 
Événement de corps

Qu’est-ce que Miller[16] appelle « événement de corps » ? Il est lié à l’idée du symptôme. Il nous dit que, du fait d’avoir un corps, il a aussi des symptômes…pour avoir des symptômes, il faut avoir un corps. Ce corps, c’est un corps où il se passe des choses…ces choses imprévues sont les événements qui laissent des traces dénaturantes, dysfonctionnelles pour le corps.
 
Cette expression « événement de corps » est une condensation, il s’agit toujours des évènements de discours qui ont laissé des traces dans le corps. Ces traces dérangent le corps. Elles y font symptôme…mais seulement si le sujet est apte à lire ces traces, à les déchiffrer.
 
Dans une analyse, donc, il s’agit de retrouver les événements dont ces symptômes sont la  trace. Il y a effet de symptôme, effet de jouissance, effet du sujet et traces. Le parlêtre c’est l’union du sujet et de la substance, du signifiant et du corps. Les traces d’affect, c’est ce que Freud appelle le trauma. Le traumatisme au sens de Lacan, c’est l’incidence de la langue sur son corps. L'événement lacanien au sens du trauma, celui qui laisse des traces pour chacun, c’est le non-rapport sexuel, il laisse une trace pour chacun, dit Miller, non pas comme sujet mais comme parlant. Il laisse des traces dans le corps.
Le savoir incorporé veut dire que le savoir passe dans le corps et qu’il affecte le corps.
 
Je voudrais relever la distinction entre phénomènes de corps et évènements de corps. Anne Lysy[17], souligne que le syntagme « phénomène de corps » se réfère à une grande variété de phénomènes, à tout ce qui arrive au corps, tels que les symptômes de conversions hystériques, les phénomènes psychotiques, psychosomatiques, les douleurs étranges et toutes sortes de bizarreries. Il s’agit bien de quelque chose qui arrive au corps, mais sont-ils ce qu’on appelle des évènements de corps ? En s’appuyant sur Miller, elle propose que le symptôme événement de corps, relève du registre de la jouissance indéchiffrable. L'événement de corps, dit-elle, se situe au niveau de la fixation freudienne, là où le traumatisme fixe la pulsion à un point qui sera le fondement du refoulement. Elle propose l’hypothèse que l’analyse produit un réel singulier à chacun. Les témoignages de passe transmettent ces points d’ombilic opaques dans la trame des récits, qui sont comme des indices de ce qui échappe au récit…ces mots ne peuvent que circonscrire l’impact, ils en tracent le bord.
 
Anna Aromi[18] développe l’idée qu’écrire sert à ordonner une vie, à la rendre vivable. Écrire c’est faire avec l’insupportable, c’est un événement de corps. Elle nous dit que la fin de l’analyse lui a permis de s’approprier une écriture liée à la voix, de s’autoriser à une écriture-sinthome, une écriture sans Autre. La passe se parcourt comme un littoral qui ne finit jamais parce qu’il borde le réel, et elle conclut en disant que ce n’est pas sûr qu’elle puisse dire « j’écris », c’est plutôt que « quelque chose s’écrit », « quelque chose auquel je prête mon corps ».
 
Dans l’article « Rêve ou réel » [19] Jacques-Alain Miller pose que l’inconscient, pour Lacan, c’est une structure, c’est-à-dire un savoir dans le réel.
 
Eric Laurent[20] souligne que la trace de la jouissance est de l’ordre de l’extase, de l’absence, d’une modalité du trou. Ce sera autour de ces trous que les tours et détours du langage cerneront le trauma de la jouissance, selon l’accroche à une écriture…ce sera sur le corps que s’écriront la conjonction du langage et de l’objet a, les marques de l’alangue, avec des conséquences sur le traitement de la jouissance, que la biologie lacanienne explore.
 
Dans Lituraterre, Lacan[21] dit que la lettre dessine le bord du trou dans le savoir, entre centre et absence, entre savoir et jouissance, il y a littoral. Au sujet de l’écriture il soutient que l’écriture est, dans le réel, le ravinement du signifié. « C’est la lettre comme telle qui fait appui au signifiant. Le sujet est divisé comme partout par le langage, mais un de ses registres peut se satisfaire de la référence à l’écriture et l’autre de la parole ».
 
Pour finir, quelques extraits du témoignage de passe de Véronique Mariage[22], où la voix est au centre de la question. « Les rencontres avec son analyste se réduisaient à aller l’écouter enseigner, puis à se rendre à ses séances… À écouter sa voix et à l’entendre se taire. A entendre sa voix tomber dans le silence. La séance parfaite aurait été celle qui se serait passée en silence, rencontre d’une pure présence, corps à corps ».
Elle nous dit que cela aurait pu continuer comme cela pour toujours, mais deux évènements vont venir perturber cela et je cite encore : « Elle entraperçoit alors les deux faces de son rapport à la voix, qui, du coup, se disjoignent : la voix porteuse de sens, celle de la sentence qui marque son destin, et la voix dont elle jouit et qu’elle cuit ».

 

Références :
[1] Version modifiée de la Conférence prononce du Séminaire Nouages organisée par l’ASREEP à Lausanne, le 6 mars 2021
[2] Stevens A., Effets corporels de la langue, Argument, Vers le congrès de la NLS 2021,
[3] Egalement dans Quarto 54, p. 30-34
[4] Miller J.-A., “Biologie lacanienne et événement de corps ”, La Cause freudienne n˚ 44, Paris, Seuil, 2000, pp. 7-59.
[5] Miller J.-A., op. cit., p. 18.
[6] Lysy A., Bassols M., “En Introduction”, Mental n˚ 32, REFP, Bruxelles, octobre 2014, pp. 37-38. Introduction à la conversation des AE au cours du congrès de la NLS « Ce qui ne peut se dire » (Gand, mai 2014),
[7] Miller J.-A., “L’économie de la jouissance”, La Cause freudienne n˚ 77, Paris, Seuil, Février 2011, p. 146.
[8] Miller J.-A., “L’Autre sans Autre”, Mental n˚ 30, REFP, Bruxelles, Octobre 2013, pp. 157-171.
[9] Vanderveken Y., Points de Perspective Clinique, Mental n˚ 30, REFP, Bruxelles, Octobre 2013, pp. 35-39. Intervention au Congrès de la NLS à Athènes en 2013, « Le sujet psychotique à l’époque geek »
[10] Bassols M., “Le langage comme trouble du réel”, Mental n˚ 30, REFP, Bruxelles, octobre 2013, pp. 29-33. Intervention au Congrès de la NLS à Athènes en 2013, « Le sujet psychotique à l’époque geek »[11] Lacan J., Le Séminaire, livre XXIII, Le sinthome, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 2005, p. 95.
[12] Lacan J. op. cit., p. 97.
[13] Laurent E., “Lalangue et le forçage de l’écriture”, La Cause du désir n˚ 106, Paris, Eurl Huysmans, 2020, p. 45.
[14] Lacan J. Le symptôme, Conférence à Genève, 1975.
[15] Asnoun M.-J., “What Is it To Hear “, Psychoanalytical Notebooks n˚ 6, London, London Society, 2001, pp. 105-113.
[16] Miller J.-A., “Biologie lacanienne et événement de corps ”, La Cause freudienne n˚ 44, Paris, Seuil, 2000, p.44
[17] Lysy A., texte présenté à la Journée de l‘ACF-Belgique, du 20 février 2016 et qui est un des textes d’orientation pour le congrès de la NLS 2021.
[18] Aromi A., Un littoral d’écriture”, Mental 32, REFP, Bruxelles, octobre 2014, pp. 39-43.
[19] Miller J.-A., “Rêve ou réel”, Ornicar ? n˚ 53.
[20] Laurent E., “Le corps comme lieu pour l’alangue”, Mental  n˚ 40, REFP, Bruxelles, Novembre 2019, pp.19-32.
[21] Lacan J., “Lituraterre”, Autres Écrits, Paris, Seuil, 2001, pp. 11-20.
[22] Mariage V., Travail présenté au Congrès de l’AMP, Bruxelles, juillet 2002. Publié dans La Cause freudienne, novembre 2002, n˚ 52, pp. 36-38.
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Lieve Billiet
De l’Un de l’unité à l’Un de l’événement de corps [1]

De quoi parlons-nous quand nous parlons du corps? Nous employons le mot au quotidien, mais sans doute importe-t-il se défaire de l’illusion qu’il irait de soit qu’on sait de quoi on parle quand on parle du corps. Lacan a conceptualisé le corps de plusieurs façons : comme une image dans le miroir, comme un monument érigé, comme une surface trouée, comme un sac vide, comme la seule consistance mentale, comme une substance jouissante, …. Le thème de l’année et l’argument d’Alexandre Stevens m’ont mis au travail et voilà que je vous apporte ce que j’ai appris moi-même en retravaillant le thème, en revenant sur les conceptualisations du corps à travers l’enseignement de Lacan. Prenant comme fil la question de l’Un et de l’unité, mon parcours me mènera du corps du narcissisme, au corps du désir, puis au corps de la pulsion, enfin au corps de la jouissance. En cours de route, je ferai quelques petits détours du côté des philosophes qui sont des interlocuteurs importants de Lacan concernant le corps. Il me semble que, en gros, le débat gravite autour de deux questions : le corps relève-t-il de l’être ou de l’avoir ? le corps, est-il mort ou vivant ?
 
Le corps du narcissisme – l’Un de l’unité
 
Comment se fait-il que l’être humain puisse avoir l’illusion d’avoir un corps ? C’est la question avec laquelle Lacan fait son entrée dans la psychanalyse. Si d’emblée la question de l’avoir se pose, c’est que d’emblée il est clair que ce corps l’être humain ne l’est pas. Lacan se sert de son stade du miroir comme d’une grande balayette – pour reprendre les mots d’Eric Laurent – pour toucher à l’évidence du narcissisme dans le milieu psychanalytique.  “Le terme de narcissisme avait été introduit par Freud, et donnait l’idée d’une connaturalité du sujet avec son corps, d’une identification première du sujet avec son corps.  Lacan va se servir des apports d’autres disciplines pour montrer à quel point le sujet reste toujours à l’extérieur de son corps. Pas de narcissisme primaire est équivalent à dire : on a un corps, on ne l’est pas.”[2] Plutôt qu’un stade, le stade du miroir est une condensation logique, précise Eric Laurent. En effet, il ne s’agit pas d’une étape inscrite dans le programme du corps biologique, dans l’être. L’unification du corps morcelé de l’infans se réalise par l’assomption de l’image de l’autre que l’enfant est pour lui-même. Et c’est pour autant qu’il s’identifie avec l’image de l’autre dans le miroir, qu’il n’est plus ce corps biologique, morcelé, marqué par la prématurité, mais qu’il aura un corps, qu’il appellera ‘mon corps’. Le ‘mon’, possessif, témoigne bien qu’on est dans le registre de l’avoir.  Si cette assomption met fin au morcellement, à la déhiscence, à la discorde primordiale, – les mots figurent dans le texte de Lacan et évoquent une détresse, un désarroi organique originelle – elle ne le fait qu’en installant une autre discordance, une autre faille. Le corps que l’on a, que l’on s’est approprié comme le sien, est un corps étranger, un corps autre. C’est en cela que c’est une illusion qu’on l’aurait.

Précisons une chose. Quand on dit : l’infans s’identifie avec l’image de l’autre, on pourrait penser que l’initiative vient tout de lui. Ce n’est pas ce que Lacan pose. Sa thèse fondamentale à ce moment, thèse qu’il développe beaucoup plus loin dans son texte Propos sur la causalité psychique, concerne les effets formateurs de l’image, plus précisément du type d’image appelé Gestalt, une image qui a une certaine prégnance. L’image du corps est une telle Gestalt.

Le mot pregnance souligne ce que l’image peut avoir d’imposant, de contraignant, d’incontournable. Alors l’infans est-il pure passivité, réceptivité ? Non. Et c’est bien là qu’il y a un écart entre l’opérativité de la Gestalt dans le monde de l’animal et le monde de l’être humain.  Chez l’animal l’effet est immédiat et automatique, chez l’être humain il faut un consentement, c’est ce qu’implique le mot d’assomption. L’infans doit assumer l’image qui s’impose de l’extérieur. Pour qu’il puisse le faire, il faut la présence de l’adulte, de l’Autre qui incarne le point d’où l’enfant peut se voir. Ce point est un point symbolique, qui permet d’échapper à la dimension purement persécutrice de l’image.

Dans cette première conceptualisation du corps, l’effet du symbolique est donc l’unification du corps comme image. Alexandre Stevens le formule ainsi : « Le corps dans sa première présence, comme pur organisme, comme réel, est morcelé et c’est par l’image qu’il est fait Un, mais un Un tout imaginaire donc. La seule signification ici est celle d’une efficacité symbolique réduite à l’identification imaginaire, … »[3] En effet, qu’il s’agit du corps imaginaire, n’empêche pas qu’il y a bien un élément symbolique en jeu. Par là on peut dire que la prégnance de la Gestalt, l’empreinte de la belle forme est bien la première modalité de l’effet corporel du symbolique.

 
Deux remarques avant d’aller plus loin. Premièrement, la thèse des effets formateurs de la Gestalt constitue un renversement radical de la théorie classique de la perception et de la connaissance selon laquelle le sujet de la perception, le percipiens, se trouve hors du champ du perçu, hors du perceptum. Par la perception il acquiert une connaissance de ce monde. Et en intégrant les perceptions, il obtient une image unifiée du monde, comme de son corps.

Non, dit Lacan, ce n’est pas l’infans qui intègre les pièces détachées du corps en image unifiée. Cette image est une Gestalt qui s’impose de l’extérieur. Le perceptum s’impose, tout comme la connaissance d’ailleurs. D’où sa structure paranoïaque. Elle est d’une certaine façon persécutrice.

Lacan va critiquer cette théorie classique de façon beaucoup explicite dans la première partie de son texte D’une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose. Elle ne sera plus fondée là sur les effets formateurs de la Gestalt, mais sur l’effet formateur du signifiant. Mais le renversement est donc bien présent dès son stade du miroir. Elle est essentielle et reste d’une grande actualité, pour autant que la thèse que l’intégration vient de l’extérieur, que la structure s’impose de l’extérieur, que « ça passe par l’a/Autre », que la langue a des effets corporels, est exactement ce que nie l’approche neuro-cognitiviste. Pour le neuro-cognitiviste, l’intégration se fait tout seul, sans a/Autre. Là, pas question d’effets corporels de la langue, quels qu’ils seraient. Lacan passe la balaie sur les postfreudiens comme sur l’organo-dynamisme d’Henry Ey, précisément sur des points qu’on retrouve dans les thèses neuro-cognitivistes contemporaines, y compris sur le corps.

Deuxièmement, la connaissance n’a pas seulement une structure paranoïaque, elle est aussi méconnaissance. Elle ne donne pas « une idée adéquate » du monde, du sujet, de l’autre, du corps. C’est très fondamental dans ce texte et c’est une autre critique à l’adresse des postfreudiens, qui voient dans le Moi, lié au système perception-conscience dans la deuxième topique de Freud, l’instance qui serait le siège du principe de réalité, qui garantirait que ce qui se présente comme perception en soit bien une et non pas une hallucination.

Or, ce qui compte, c’est que cela montre que dans la perception, dans la connaissance, il y a de la libido en jeu. Ce qui s’impose comme perception, ce n’est pas de « l’information » toute neutre comme la théorie classique et comme les neuro-cognitivistes contemporains le postulent, ce qui s’impose c’est une expérience libidinale. Freud est très explicite sur le point que la constitution du champ de la réalité exige une délibidinalisation, il faut que la libido soit extraite. Pour le neuro-cognitiviste, l’input, c’est de l’information, pour le psychanalyste, l’input, c’est une expérience de jouissance. Pour le neuro-cognitiviste le corps est un ordinateur, une machine, et donc mort, pour le psychanalyste le corps est vivant.
Le moi, pour Freud, n’est pas pure garant de la réalité, le moi est siège du narcissisme. Ce narcissisme n’est pas primaire. L’assomption de l’image du corps se fait de façon jubilante. C’est bien une expérience de satisfaction.  Cette assomption aura comme effet que la libido sera localisée dans l’image du corps, qu’elle y sera emprisonnée, qu’elle ne circulera pas partout.[4]

 
Le corps du désir – le corps mortifié, châtré
 
Passons maintenant au Lacan classique qui se sert d’une deuxième balayette, toujours dans les mots d’Éric Laurent,[5] son atome de communication comme alternative au signifiant linguistique, pour arriver à la conception classique du sujet comme ce qui est représenté par un signifiant pour un autre signifiant. Le signifiant ne renvoie pas à la chose, le signifiant renvoie à un autre signifiant ; il ne nomme pas l’être, il représente le sujet comme manque-à-être.

Qu’en est-il du corps de ce sujet qui se définit comme manque-à-être ? Il va de soi que ce corps, le sujet ne l’est pas, puisque en tout cas le sujet n’est pas de l’ordre de l’être. Mais que peut-on dire du corps qu’il a ? Avec l’introduction de l’ordre symbolique, le corps acquiert un statut symbolique. Ce corps symbolique, c’est le corps qui a subi les effets mortifères du signifiant. Le signifiant impose un effet de mortification à la vie, écrit Alexandre Stevens, avec un double effet sur le corps : mort symbolique dans la vie, vie symbolique dans la mort. « La mort symbolique est conçue à cet égard comme négation de la vie biologique, (…) mais aussi bien comme affirmation de la vie symbolique au-delà de la vie biologique. »[6]  Le corps symbolique qui survit le corps biologique, c’est le corps élevé par le signifiant à cette dimension singulière qui le fait saisir dans une organisation funéraire.[7] La sépulture signifie une permanence du corps au-delà de la vie, elle est le signe que la vie et le corps sont désormais marqués par le signifiant.

L’accent mis sur l’effet de mortification, nouvelle modalité de l’effet corporel de la langue, ne doit pas nous faire oublier que l’opération de symbolisation a aussi un effet sur le corps imaginaire. Là où dans le stade du miroir, l’effet du symbolique était la signification de l’unité, maintenant, l’effet dans l’imaginaire sera justement que cette unité est entamée. Désormais l’accent sera sur le manque.[8] Si l’image dans le miroir était bien une image, le corps signifié par le signifiant est un corps représenté. Représentation n’équivaut pas image. Représentation implique manque. Le corps imaginaire est désormais un corps châtré. Ce qui compte, c’est ce qu’on ne voit pas, c’est le phallus imaginaire, le phallus en tant qu’il manque. Double effet corporel de la langue donc : dans le symbolique le corps est mortifié, dans l’imaginaire le corps est châtré. Par le désir, le corps mortifié se trouvera revivifié un peu. De la jouissance, de la vie, il ne restera pas plus qu’un peu de désir.

Ce corps représenté, ce corps du désir, c’est le corps que Freud rencontre dans la clinique de l’hystérie. Dans un texte de 1893, Quelques considérations pour une étude comparative des paralysies motrices organiques et hystériques, il explique comment le corps de l’hystérique, n’est ni le corps de l’anatomie, ni le corps de la perception. C’est le corps de la représentation, un corps dont les symptômes témoignent de la vérité du désir, du manque, de la castration, d’une vérité toujours sexuelle.

 
Le corps de la pulsion – le corps des trous et des bords
 
Avec l’introduction de l’ordre symbolique le corps du désir est venu à l’avant-plan, un corps mortifié dans le symbolique, châtré dans l’imaginaire. Le manque reste donc bien situé dans l’imaginaire, l’Autre étant supposé complet. Cela veut dire que rien de la vie n’échappe à l’opération de mortification, de négativation. C’est ce qui va changer dans un temps suivant.

Dans le Séminaire VI Lacan dira que le grand secret de la psychanalyse est que l’Autre de l’Autre n’existe pas. L’Autre n’étant pas complet, l’opération de symbolisation n’est pas totale, pas tout de la vie est mortifié par le signifiant, pas tout de la libido est capté (emprisonné dans l’image du corps, négativé par le signifiant), transformé en signification phallique.  Ce qui reste en dehors de la symbolisation, sera l’enjeu de l’opération de séparation qui vient compléter l’opération de l’aliénation où se produit l’effet de signification, et résultera dans la production de l’objet a, objet de la pulsion partielle. Le vivant du corps ne sera plus conceptualisé à partir de l’opposition entre l’effet de mortification du signifiant et l’effet de vivification du désir, l’opposition sera celle entre la représentation et la pulsion.

Qu’est-ce que ça veut dire ? De l’image à la représentation l’accent passait du tout visible, du tout perceptible (même si c’était un perceptum qui s’imposait), à ce qui restait invisible, à ce qui manquait dans la représentation (le phallus imaginaire). Avec l’introduction de l’objet a, cet objet hors corps comme Lacan l’appellera, l’opposition ne sera plus entre le visible et l’invisible, titre du livre de Maurice Merleau-Ponty, qui parait au moment du Séminaire XI, l’opposition sera entre le visuel et le scopique.  Au moins pour ce qui concerne l’objet regard.
 

Dans Les prisons de la jouissance Jacques-Alain Miller dit le suivant. La phénoménologie de Husserl et de Merleau-Ponty postule que le visible cache l’invisible. Puisque nous vivons dans un monde tridimensionnel, une partie des objets échappe forcément à la vision. Ce point de départ de la phénoménologie s’oppose au point de départ de Descartes.  Dans le monde de Descartes, tout est plane, nous vivons dans l’étendue. Pas de points aveugles. Dans le monde de Husserl les cachettes fourmillent. Puisque dès qu’on pose que nous voyons les choses à partir d’une certaine perspective, cela implique que d’autres restent cachées. Merleau-Ponty critique l’approche géométrique de l’espace, du monde comme Dieu le voit à partir d’une position transcendantale.

On reconnaît chez Descartes la théorie classique de la perception et de la connaissance que Lacan critiquait dès le stade du miroir. La phénoménologie critique aussi cette théorie classique, mais pas de la même façon. Ce qui revient à dire que cette critique ne suffit pas à faire des phénoménologues des lacaniens, ni de Lacan un phénoménologue. La phénoménologie postule que le sujet de la perception ne se trouve pas à l’extérieur du monde qu’il perçoit, mais elle le fait d’une toute autre façon que Lacan. Pour Lacan il n’y a pas de transparence non plus, il y a des points aveugles, mais le point aveugle n’est pas simplement un objet caché par un autre objet, un angle mort, pourrait-on dire, que l’on pourrait rendre visible avec l’aide d’un miroir spécial, en prenant une autre perspective. Pour Lacan, l’angle mort est un angle où quelque chose échappe de façon radicale à la visibilité, à la perception, et bien parce que ce point est la condition même de la perception. Ce point, c’est la place de l’objet regard.
Et puis, ce point aveugle n’est pas un angle mort, parce que c’est justement le point du plus de vie, le point où reste un part de libido, de jouissance non négativée. Le point aveugle est le point autour duquel la pulsion partielle suit son trajet. Et c’est justement pour autant que le vivant, la libido, est localisée là, que le champ de la réalité se constitue.

Rappelons la thèse de Freud que la constitution du champ de la réalité suppose une délibinalisation. Chez Lacan cette délibinalisation se réalise : 1. En emprisonnant la libido, le vivant dans l’image du corps ; c’est le narcissisme ; 2. en négativant la libido, le vivant dans la signification phallique ; c’est le désir 3. En extrayant la libido, le vivant pour la condenser dans l’objet hors-corps, objet autour duquel la pulsion suit son trajet. On voit à quel point tout cela est affaire de corps, de corps vivant. On voit aussi en quoi tout cela est effet de la langue.

Le corps de la pulsion n’est pas une image de totalité, ni une représentation, le corps de la pulsion est un corps où l’accent est sur les orifices corporels, c’est un corps de trous et de bords, c’est un corps d’objets hors-corps, d’objets chu du corps : le regard, la voix, les fèces, le sein.  Cette multitude d’objets met fin à toute idée d’unité ou d’unification du corps vivant. Pour Lacan, et en cela il diffère de Freud, il n’y a même pas un début de rassemblement, d’intégration des pulsions partielles qui se subordonneraient au phallus. Plus question d’une tendance à l’unification, tendance fondamentale de l’Eros. La seule chose qu’il y a, c’est le voile de l’image ; le corps imaginaire voile un corps de trous et de bords.

 
Le corps de la jouissance – le corps troumatisé, l’Un de l’événement de corps
 
Jusque-là, Un et unité semblaient aller de pair. Le morcellement du corps est voilé par l’image du corps unifié. Et ce corps unifié incarne en même temps la notion de l’Un. Le corps unifié constitue la quantité Un. Dans le Séminaire XX Lacan va séparer radicalement les notions de l’unité et de l’Un. L’Un du corps unifié est purement imaginaire. Mais il y a un autre Un. Dans Biologie lacanienne et événement de corps Jacques-Alain Miller souligne que la question d’où vient le Un, parcourt comme un fil rouge le Séminaire XX. La réponse de Lacan : le Un vient du signifiant.[9]

Dans ce Séminaire XX Lacan dit que le signifiant est cause de jouissance.[10] Ce signifiant-cause de jouissance, ce signifiant Un, il ne le définit plus comme un élément discret, mais comme un rond de ficelle. Pourquoi ? Parce que le rond de ficelle est « la plus éminente représentation du Un en ce sens qu’il n’enferme qu’un trou. »[11] La rencontre de la langue avec le corps est de l’ordre de la contingence. Cette rencontre affecte le corps, elle laisse une trace.  Cette trace en tant que tel est un trou, mais elle produit un effet d’itération. Voilà un effet de langue qui n’est pas effet de sens mais effet de jouissance.
Lacan va définir le corps à partir de la notion de la substance jouissante. C’est une définition très radicale pour autant que la question n’est plus comment corps et jouissance sont articulés (via la Gestalt, via la signification phallique, via les pulsions partielles), mais que le corps est défini à partir de la jouissance. « Un corps cela se jouit. »[12]   On pouvait étudier l’articulation entre jouissance et corps aussi longtemps qu’il s’agissait du corps imaginaire (que ce corps imaginaire soit abordé comme image d’une totalité, comme représentation avec le manque que cela implique, comme ayant des orifices). Quand il s’agit du corps réel, corps et jouissance, c’est la même chose. Définir le corps comme substance jouissante, c’est abandonner toute notion intuitive, imaginaire de ce que serait un corps, pour dire plus radicalement encore qu’avant qu’il n’y a pas d’évidence du corps, qu’il n’y a de corps que pour autant que l’impact du signifiant fait exister le corps comme substance jouissante.[13]

La notion de substance jouissante est la réponse de Lacan à Descartes. Descartes rompt avec l’idée aristotélicienne d’une harmonie, d’une unité du corps et de l’âme, de l’identification du corps et de l’être, du corps et de la vie. Chez Aristote, le corps est vivant, le corps respire le cosmos ; chez Descartes le corps est mort.[14] Le corps est pure étendue, le corps est une machine.[15] Depuis Descartes, qui met fin à l’union entre corps et âme, l’être humain n’est pas un corps, il a un corps. Et ce corps qu’il a, est un corps mort. Il y a bien eu des tentatives dans la philosophie de restaurer l’unité du vivant, souligne Jacques-Alain Miller, comme par exemple la phénoménologie « qui essaye de restaurer la connaturalité de l’homme au monde, qui se centre sur la présence corporelle, qui étudie la présence au monde dans, par, à travers un corps.[16] (…) La présupposition, (…) c’est qu’il y a quelque part un lieu de l’unité, qui est l’identification de l’être et du corps. »

Ce n’est pas en restaurant, comme les phénoménologues, l’unité du vivant aristotélicienne que Lacan va réinsuffler la vie au corps mort cartésien. Pour Lacan, ce qui rend le corps vivant, c’est la jouissance. A la substance étendue cartésienne, Lacan oppose le jouir d’un corps. Le corps-substance jouissante du parlêtre s’oppose au corps du sujet.  Je renvoie à l’argument d’Alexandre Stevens où il cite Jacques-Alain Miller : « Le sujet lacanien (…) il n’avait qu’un corps visible, réduit (…) à la prégnance de sa forme (…). Est-ce qu’avec la pulsion, avec la castration, avec l’objet a, le sujet retrouvait un corps ? Il ne retrouvait qu’un corps que sublimé par le signifiant. Avant le dernier enseignement de Lacan, le corps du sujet, c’était toujours un corps signifiantisé, porté par le langage. Il en va tout autrement à partir de la jaculation Yadl’Un parce que le corps apparaît alors comme l’Autre du signifiant, en tant que marqué, en tant que le signifiant y fait événement. » [17]

Le corps-substance jouissante est un corps traumatisé, c’est un corps où itère la frappe du signifiant – effet corporel de la langue -, c’est le corps de ce que Lacan appellera dans son texte sur Joyce l’événement de corps.  Là, il n’est plus question uniquement d’être ou d’avoir. Ce corps de l’événement de corps, sûrement le parlêtre ne l’est pas, et sûrement il pense seulement l’avoir, puisque le corps fout le camp à tout instant, ajoute Lacan. L’évènement de corps n’est ni de l’ordre de l’être, ni de l’ordre de l’avoir, il est de l’ordre de l’existence. C’est ce que Jacques-Alain Miller a développé dans son cours sur l’Etre et l’Un.

References:
 

[1] Ce texte reprend une intervention à la Journée de la NLS-Québec, 27 mars 2021.
[2] E. Laurent, Sur l’envers de la biopolitique, Quarto, 115-116, p. 11.
[3] A. Stevens, Effets corporels de la langue, Blog du congrès[4] J.-A. Miller, L’image du corps en psychanalyse, Quarto, 68, pp. 94-104.
[5] E. Laurent, o.c., p. 14.
[6] J.-A. Miller, Biologie lacanienne et événement de corps, La Cause freudienne, 44, p. 21.
[7] A. Stevens, o.c..
[8] J.-A. Miller, Les prisons de la jouissance, La Cause freudienne, 69, p. 116.
[9] J.-A. Miller, Biologie lacanienne …, o.c., p. 8.
[10] J. Lacan, Le Séminaire Livre XX, Encore, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1975, p. 27.
[11] Ibid., p. 115.
[12] Ibid., p. 126.
[13] Ca évoque pour moi ce que Lacan a pu dire sur la paranoia : ayant étudié dans sa thèse de doctorat le rapport entre paranoïa et personnalité, il dira plus tard que la paranoïa c’est la personnalité ;  là il s’agissait de l’abandon très radical de toute conception intuitive, psychologisante de ce que serait la personnalité, comme d’ailleurs la paranoïa.
[14] J.-A. Miller, Biologie lacanienne …, o.c., p. 12.
[15] Lacan le souligne dès son séminaire II, renvoyant à un livre de Descartes L’homme, dont le premier chapitre s’intitule : La machine du corps.
J. Lacan, Le Séminaire Livre II, Le moi dans la théorie de Freud et dans la technique de la psychanalyse, Paris, Seuil, pp. 93-94.
[16] La phénoménologie ne part pas du lien entre perception et conscience, mais entre l’expérience corporelle et la perception.
[17] J.-A. Miller, L’Etre et l’Un, cours 12.
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Frank Rollier
Biopolitique et présence des corps

Lacan nous rappelle  que l’impératif est « ce qu’il y a de plus originel dans la parole » [1] et qu’il appartient à la structure même du discours du maître. Au temps de la pandémie et de la biopolitique triomphante, notre vie est rythmée par les impératifs d’un maître assujetti aux évaluations de comités sanitaires.

Le confinement et la distanciation sociale contraignent les corps ; partout s’impose le mode virtuel : télétravail, loisirs sur écran, visio-conférences. Cet usage nouveau de la langue, qui fait fi des rencontres en chair et en os, produit sur le corps des effets de mortification et de jouissance : isolement, angoisse, envahissement par l’imaginaire, fatigue.

Jusqu’à notre pratique qui se laisse entamer par ce mode incorporel et irréel avec l’essor des séances d’analyse ou de contrôle par téléphone ou Skype, ce que nous qualifions de moindre mal, sans doute préférable à leur absence. Lacan identifie le discours à une épidémie[2] et on sait que cette dérive devient elle-même virale, déjà la norme sous d’autres longitudes.

Certains patients disent leur plaisir à s’extraire de chez eux pour se déplacer en séance. Nous savons que seule la présence des corps entre quatre murs faits « pour entourer un vide » [3], permet à la parole « considérée en tant que pulsion » [4] de se déployer, au silence de résonner et rend possible l’écriture de l’absence de rapport sexuel. La séance corps présents, un nouvel agalma ?

[1] Lacan J. : « Conférence à Genève sur le symptôme ». La cause du désir N° 95, p. 7-22. 
[2] Laurent E. : « Les biopolitiques de la pandémie et le corps, matière de l’angoisse », Lacan Quotidien N° 892.
[3] Lacan J. : « Je parle aux murs », Paris, Seuil, 2011, p 87.
[4] Miller J.-A. : L'orientation lacanienne, « Le tout dernier Lacan », 13 décembre 2006, inédit.
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Frank Rollier
Biopolitics and Presence of the Body

Lacan reminds us that the Imperative is “what is most original in speech” [1] and that it belongs to the very structure of the discourse of the master.  In these times of pandemic and triumphant biopolitics, the imperatives of a master subjected to the evaluations of sanitary committees give our lives their rhythm.

The lockout and the social barriers constrain the bodies: everywhere the virtual mode has become imperative: teleworking, leisure on the web, videoconferences. This new use of speech in defiance of flesh and blood encounters produces effects of mortification and jouissance on the body such as: isolation, anxiety, overcoming by the imaginary, weariness.
 
With the soaring of analytical or supervision sessions by phone or Skype, the lesser of two evils as we call it and most likely preferable to no sessions at all, our very practice lets itself be worn down by this unreal uncorporeal mode. Lacan identifies the discourse to an epidemic[2] and we know that such drift which is already the norm in other longitudes has become viral itself.
 
Some patients say how happy they are to get out of home to move to their session. We know that only the presence of the bodies between four walls meant to “ encircle a hole” [3] enables speech “regarded as a drive” [4] to unfurl, silence to resound and make the absence of sexual rapport writable. A session of bodies in presence, a new agalma ?
 
Translated by Catherine Massol

[1] Lacan J. : « Conférence à Genève sur le symptôme ». La cause du désir N° 95, p. 7-22. 

[2] Laurent E. : « Les biopolitiques de la pandémie et le corps, matière de l’angoisse », Lacan Quotidien N° 892.
[3] Lacan J. : « Je parle aux murs », Paris, Seuil, 2011, p 87.
[4] Miller J.-A. : L'orientation lacanienne, « Le tout dernier Lacan », 13 décembre 2006, inédit.
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Vlassis Skolidis
Leçons d'un séminaire «démodé»

Au premier abord, le Séminaire, Livre IV, La Relation d’objet, dont les avancées théoriques constituent une composante majeure de l'enseignement du « premier Lacan », est une référence un peu datée concernant les questions du corps. Mais, il suffit de se rappeler du mode d’accès que J.-A. Miller nous a enseigné, à savoir que la libido y est située au niveau de l’imaginaire, pour que des balises trop connues, telle la soi-disant dévalorisation de l’imaginaire au profit du symbolique, apparaissent sous un jour nouveau.

Prenons par exemple le commentaire de Lacan sur la tentative du petit Hans d’accéder, sous l’impulsion de son père, « à la signification d’un nouveau réel », celui de sa jouissance érectile nouvellement apparue. Lacan pointe que « le réel ne peut être réordonné dans la nouvelle configuration symbolique qu’au prix d’une réactivation de tous les éléments les plus imaginaires. Il se produit une véritable régression imaginaire par rapport au premier abord qu’en fait le sujet » [1]. Cette régression imaginaire consiste d’abord à un foisonnement d’images et de fantasmes, où le petit Hans « apprend comment on peut jouer avec les images » [2]. On retrouve ici la fonction du fantasme comme moyen de jouissance.

Mais Lacan y ajoute autre chose. Cette jouissance imaginaire n’épuise pas la question. Derrière son jouir concernant les images, le petit Hans découvre « qu’il est dans un bain de langage » et qu’il peut exploiter « la faveur précieuse que lui offre le fait de pouvoir parler » [3]. Autrement dit, parallèlement à la mise en place du transfert, le petit bonhomme découvre la jouissance du bla-bla. Au-delà des effets de signification, le sujet humain, le parlêtre, est habité par une autre jouissance, celle du réel de la parole, voire de lalangue. Dans la cure, cette jouissance est voilée derrière la passion du névrosé pour le sens. Elle n’est pas moins insistante pour autant. Et elle ne va pas sans le corps.

Dans ses fantasmes, le petit Hans met en scène son propre corps, ainsi que ceux de ses parents et des petites filles dont sa libido est captive. Des corps nus ou habillés, partis ou revenus, solitaires ou accompagnés, debout ou par terre, au galop ou au repos, angoissés ou sereins. Tout le potentiel pulsionnel du petit garçon se trouve métabolisé à travers cette exploitation d’images corporelles. Sans oublier le corps princeps du cas, celui du cheval dans toutes ses versions : en arrêt, en mouvement, en tumulte, tombant, mordant… Si le cheval est bien ce qui nomme la jouissance du petit Hans, celle-ci ne se laisse pas confiner au pouvoir métaphorique du langage. Un réel non assimilable au sens y insiste : le fameux « noir » devant la bouche du cheval, présentification de l’objet regard irréductible à toute intention de signification.
           
C’est ce « noir » énigmatique, non inclus dans le grand schéma de la métaphore paternelle ébauché dans ce séminaire, qui rebondira dans une conception lacanienne du corps au-delà de l’imaginaire, ouverte aux chicanes du réel.
 

[1] Lacan J., Le Séminaire, Livre IV, La Relation d’objet, Paris, Seuil, 1994, p. 343.
[2] Id.
[3] Ibid. p. 344.
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